Depuis plus d’un an, la société Valocîme rachète des sites mobiles avec des méthodes assez contestées par le secteur des télécoms. L’entreprise revendique aujourd’hui plus de 2000 sites en France, mais aucun opérateur commercial ne semble vouloir s’y installer.
C’est un souci qui fait de plus en plus parler de lui dans le milieu des pylônes de téléphonie et il a un nom précis : Valocîme. Cet opérateur d’infrastructure nouvellement lancé sur le marché possède sa technique bien à lui pour récupérer des terrains où se trouvent des sites mobiles et y implanter les siens.
La société démarche le propriétaire du terrain, peu avant l’expiration du bail en offrant un loyer généralement 30% plus cher. Pourquoi une telle hausse des prix ? Tout simplement pour pouvoir sous-louer au propriétaire du pylône à un prix plus élevé ou encore proposer de racheter l’installation telle quelle. Une pratique assez agressive qui inquiète les associations d’élus. Le délégué général de l’Avicca résume la situation ainsi : “les collectivités se retrouvent au milieu d’une bataille de géants“, soit Valocîme contre les opérateurs d’infrastructures (dits “towerco”) spécialisés dans la téléphonie mobile.
Le président de la société explique vouloir créer de la concurrence : “actuellement, les towercos captent 75 % de la valeur, les propriétaires du terrain 5 % et les opérateurs télécoms 20 %. Avec notre modèle, nous arrivons à environ 50 % de la valeur pour nous, 5 à 10 % pour les propriétaires du terrain et 25 à 40 % pour les opérateurs télécoms“. Cependant, pour les élus locaux qui se retrouvent avec ce type de dossier sur les bras, le transfert d’un bail entre deux sociétés gérant des pylônes n’est pas si aisé. Le coprésident de la commission numérique de l’AMF affirme que ce qui intéresse les maires, c’est “de maintenir la couverture, or, sans se prononcer sur la responsabilité des uns et des autres, les risques de coupure nous posent problème. Des dizaines de sites seraient menacés “.
Car ces rachats d’emplacement ne sont pas sans risques, si le pylône n’est pas revendu ou si l’opérateur ne paie pas le loyer à Valocîme, il peut démonter son pylône et la zone se retrouve sans couverture mobile. Une problématique connue du dirigeant de la start-up de 80 personnes, qui affirme se pencher depuis plusieurs mois “sur des situations où les towercos refusent de nous revendre leur pylône à 100 000 euros – soit le coût de la construction neuve – et où le temps d’en réinstaller un, il peut y avoir une coupure momentanée de couverture. Nous souhaitons apporter une solution, car la priorité est, certes, qu’il y ait plus d’argent dans les caisses des communes, mais aussi de garantir au citoyen une continuité de service“.
Une opposition des towercos “traditionnelles”
Du côté des géants déjà bien installés comme TDF, Cellnex, ATC, ou Totem, société créée par Orange, on explique cependant que le démantèlement des pylônes est réalisé dans le cadre des obligations réglementaires. “Ce n’est que lorsqu’elles y sont contraintes qu’elles démontent leurs pylônes, puisque les baux signés exigent de rendre le terrain nu en l’état” explique le président de l’Oiftem qui regroupe ces sociétés.
D’après les informations de la Gazette des communes, Valocîme ne compterait pas encore d’opérateurs sur ses quelques 2000 sites. D’après un connaisseur du dossier, les opérateurs « répètent, sans jamais l’écrire, qu’ils ne mettront pas d’antennes sur les pylônes de Valocîme ». Ainsi, si le réseau est coupé, difficile d’identifier un responsable sur le plan juridique selon l’Avicca. Ce qui ne décourage pas Valocîme qui affirme avoir lancé de nombreuses procédures judiciaires, avec très peu de sites construits : 200 référés en France pour expulser des sociétés des terrains qu’ils louent. “C’est une guérilla juridique à l’issue inexorable. Le tribunal administratif d’Amiens nous a ainsi récemment donné raison en reconnaissant qu’en cas de coupure, celle-ci serait le fait de la towerco préexistante” assure pour sa part le président de la société.
Les autres towercos sont cependant prêtes à négocier avec les collectivités. “Il est vrai qu’historiquement les loyers ont pu être bas, car les maires ont souhaité favoriser l’arrivée de la téléphonie mobile. Aujourd’hui, les élus comptent valoriser leur terrain au mieux, et nous sommes lucides sur leur situation financière. Lorsqu’ils renégocient les loyers, nous acceptons de faire des efforts et de les réévaluer. Mais il faut respecter un certain équilibre, le loyer ne peut égaler le revenu sur le site en question ” affirme le président de l’Ofitem, sans pour autant indiquer de barème.
Alors que Valocîme aimerait un encadrement législatif pour qu’un propriétaire de pylône “n’ait pas droit de vie ou de mort sur la couverture des habitants d’une commune“, la Commission supérieure du numérique et des postes travaille sur un projet d’avis prévu pour le 18 octobre. « Nous avons été interpellés sur le sujet des towercos, en particulier sur une entreprise essayant de faire du dumping foncier. Nous ne souhaitons pas entrer dans l’aspect commercial et allons proposer que, dans le cadre d’une renégociation de bail, le propriétaire soit obligé d’informer le locataire à l’instant T, ce qui lui permettra d’anticiper » explique le député en charge du groupe de travail se penchant sur la question.