Hadopi : les opposants de gauche et de droite
Alors que le débat sur le projet de loi Hadopi débute cette semaine, les hommes politiques commencent à faire entendre leur voix. Et il y aura fort à faire pour notre ministre de la culture puisque les critiques fusent à gauche, mais également à droite. Il faudra certainement plus que le ralliement de Jack Lang pour aider Madame Albanel dans sa tache.
Nous vous proposons une compilation des positions des opposants à cette réforme, qui se sont exprimés aujourd’hui :
Daniel Cohn -Bendit (tête de liste Ecologie Europe)
« Une fois encore, le gouvernement oppose à de vrais problèmes, la rémunération et la protection des artistes, des solutions aussi inutiles que répressives. Madame Albanel veut imposer des mesures aberrantes qui reviendraient à traiter les internautes qui partagent des fichiers de musique ou de film comme des délinquants dépourvus de droit. Chaque étape de la « riposte graduée » soulève également des problèmes quant aux données personnelles, aux libertés et droits fondamentaux.
En permettant aux représentants des ayants droit de saisir une autorité administrative indépendante, l’HADOPI, sur présomption d’infractions à leurs droits d’auteurs, et le stockage des données de connexion par les fournisseurs d’accès (FAI), cette loi ébranlerait les régimes français et européens de protection des données selon l’avis de la CNIL rendu en avril 2008. Cela pourrait être un grave précédent dans l’Union Européenne. En effet, si la France est pour l’instant le seul Etat membre à envisager de mettre en place ce type de législation, elle n’a de cesse de faire pression sur les autres pays de l’Union pour que soit intégré ce type de mesures dans les textes en cours de discussion au niveau européen (Paquet Télécom). Ainsi des amendements, votés par le Parlement européen en novembre dernier affirmant le nécessaire respect des libertés publiques des internautes ont d’ores et déjà été évincés par le Conseil des Ministres.
Régulièrement rappelée à l’ordre par l’Union européenne pour « non mise en application » des textes législatifs européens, la France a désormais trouvé la solution en tentant d’imposer ses propres lois aux autres Etats membres ! »
Lionel Tardy (Député UMP)
"Le projet de loi pose trois problèmes majeurs. Le premier est qu’Internet doit être traité comme un service universel. Et rien ne justifie que ce soit une autorité administrative, et non judiciaire, qui va à la fois faire les sanctions et condamner. L’internaute ne pourra se défendre qu’une fois l’accès coupé, mais comment va-t-il prouver sa bonne fois ? Imaginez un papi ou une mamie. Ou dans une entreprise, une école, etc. Ça devrait être à Hadopi de prouver qu’il y a eu piratage. Il va y avoir de gros problèmes de ratés.
Le second est le coût. Je suis favorable à une amende, de 1000 ou 2000 euros. Ce n’est pas suspensif et plus simple à gérer qu’une coupure. Car gérer la coupure va entraîner des frais chez les FAI estimés à 70 millions d’euros, qui vont être supportés soit par l’Etat, soit par le contribuable.
Enfin , l’amendement 138 du paquet Télécom vient d’être redéposé. S’il est voté par le parlement européen, cela signifie que le texte de loi sera vidé de sa substance dès avril. On ne peut pas vouloir étendre le haut débit et simplifier l’appareil d’Etat (impôts etc.) et de l’autre, vouloir la suspension d’Internet"
Christian Pauil (Député PS)
"Nous contestons cette loi sur deux terrains. En premier lieu celui des libertés, ce qui ne signifie pas que nous défendons une absence de loi.. Mais le dispositif qui va être examiné créerait un précédent sur la voie d’une surveillance massive des réseaux, et donc, de la société. Nous récusons l’idée de ramener la problématique de la culture et de l’Internet à celui de surveiller et de punir. Le fait de criminaliser toute une génération est une impasse.
Ensuite, nous avons la conviction que ce projet de loi ne règlera rien. L’Etat doit accompagner l’émergence de modèles économique et réguler les espaces non marchands, comme il l’a fait auparavant à chaque grande ruraux technologique. C’est un choix de civilisation auquel nous sommes confronté. Le droit des auteurs est nécessaire mais pas pour opposer des artistes à leur public "
Patrick Bloche (Député PS)
" Je crains que ce projet de loi qui se présente comme dissuasif et pédagogique soit ressenti comme un dispositif répressif par les internautes. Il introduit un déséquilibre entre la protection du droit d’auteur et la protection de la vie privée. De nombreuses questions se posent quant à savoir si la riposte graduée est techniquement applicable… Christine Albanel, que nous avons auditionnée à l’Assemblée cette semaine, reconnaît elle-même que la loi ne sera applicable qu’une fois résolus des obstacles techniques.
Selon l’ARCEP (Autorité de régulation des télécommunications, NDLR), ce sont 2,5 à 3 millions de foyers qui se trouveraient ainsi sous la menace d’une suspension totale de communication. Et ce chiffre va en augmentant à mesure que les gens s’abonnent. La ministre, avec une légèreté étonnante, nous a répondu que si ces foyers étaient suspendus, ils n’auraient qu’à consulter leurs e-mails chez leur voisin ou chez un membre de la famille… "
Sources : Libération, Le Point, Ecologie Europe