Mise à jour : Free nous informe avoir remporté son combat, soit l’abrogation de l’article R10-13 du code des postes et des télécommunications, très contraignant pour les opérateurs sur la conservation des données.
Une défaite amère et une décision faisant tache, selon La Quadrature du Net, le Conseil d’État vient en effet de valider la conservation pour la préservation de la sécurité nationale.
“Le Conseil d’État valide durablement la surveillance de masse”, dénonce La Quadrature du Net. L’association créée en 2008 avec pour but de défendre et de promouvoir les droits et libertés sur Internet fustige la validation de la conservation généralisée et indifférenciée de l’ensemble des données de connexion (adresse IP, géolocalisation, etc.) par Orange, Free, Bouygues et SFR.
À ses yeux, “le Conseil d’État confère à la sacro-sainte sécurité nationale une définition si monstrueuse qu’elle lui permet d’annihiler le reste des droits fondamentaux”. Et de résumer un principe durablement inscrit dans le droit français, selon lequel “tout le monde est suspect, de tout”.
La Quadrature du Net dénonce par ailleurs une illusion. “En apparence, la décision d’aujourd’hui conduit à l’annulation ou à l’abrogation de certains des décrets attaqués par La Quadrature du Net, FDN, la FFDN et Igwan.net”, explique-t-elle. Sauf que le Conseil d’État “prescrit lui-même les correctifs superficiels qui permettront au gouvernement de maintenir sa surveillance de masse”, estime l’association.
La Quadrature du Net pointe du doigt le fait que “le Conseil d’État a réinterprété la notion de sécurité nationale pour l’étendre très largement au-delà de la lutte contre le terrorisme et y inclure, par exemple, l’espionnage économique, le trafic de stupéfiants ou l’organisation de manifestations non-déclarées”, permettant ainsi une conservation bien au-delà des situations exceptionnelles d’état d’urgence sécuritaire. Et d’ajouter qu’“il peut conclure que la sécurité nationale est systématiquement menacée, justifiant le contournement permanent des garanties protégeant les libertés fondamentales, et ce même en dehors des périodes officielles d’état d’urgence, soumises à un contrôle démocratique”. L’association souligne également la possibilité de communiquer les données à la police “pour n’importe laquelle des finalités comprises dans cette notion délirante de sécurité nationale”. Et ce alors que la Cour de Justice de l’Union européenne avait posé comme limite la lutte conte la criminalité grave.
La Quadrature du Net ne cache pas sa déception, parlant d’une défaite amère, mais également son incompréhension, dénonçant “six ans de procédure pour voir le Conseil d’État piétiner sans gêne ni hésitation l’ensemble des arguments juridiques qui auraient dû s’imposer à lui”.
La Quadrature du Net s’interroge en outre sur l’image donnée à la France au sein de l’Union européenne, auprès des autres membres qui la composent. “Quelle légitimité a dorénavant la France pour parler au nom d’une Union européenne, dont elle foule aux pieds les principes et les juridictions ? Quel avenir pour le respect de l’État de droit quand le juge français s’oppose aussi frontalement à une décision de justice ?”, questionne en effet l’association, dubitative.
Allant à l’encontre de l’arrêt de la Cour de justice de l’UE par laquelle le droit français du renseignement et cette obligation de conservation des données de connexion avaient été désignés “contraires aux droits fondamentaux” en octobre 2020, la décision laissera “une tache indélébile sur la plus haute juridiction administrative et sur la France”, estime La Quadrature du Net. Selon l’association, “le Conseil d’État isole la France dans son Frexit sécuritaire et libère les renseignements français des principes de l’État de droit”.
Selon la Quadrature du Net, une telle décision, en reniant des droits fondamentaux promus en Europe depuis la fin de la dernière guerre mondiale, vient mettre de l’huile sur le feu dans “une Union européenne menacée par des poussées autoritaires et nationalistes”. Elle estime que d’autres États pourront y voir une brèche dans laquelle s’engouffrer, avec la possibilité de passer outre les droits fondamentaux au motif de la sécurité nationale.
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