Tout comme Free et SFR, Bouygues Telecom s’oppose à une augmentation du prix du cuivre voulue par Orange. L’opérateur dévoile ses arguments et propositions.
Le prix du dégroupage sur le réseau cuivre va t-il augmenter ? C’est encore trop tôt pour le dire. Si l’Arcep doit trancher, son président Sébastien Soriano s’est toutefois déclaré en début d’année en faveur de Free, SFR et Bouygues en affirmant : “plus on baisse le prix du cuivre, plus on incite à sa fermeture”. Tout l’enjeu est là, la transition vers la fibre et le démantèlement du réseau cuivre seront des sujets majeurs de la décennie. La fin de l’ADSL est déjà actée, l’opérateur historique prévoit d’arrêter la commercialisation de nouvelles lignes dans environ 3 ans puis procédera à l’arrêt du cuivre progressivement par plaque d’ici 2030. Le régulateur, dans son rôle, se positionnera comme garant dans la bascule vers le FTTH, pour que celle-ci ne se fasse pas au détriment des foyers, tout en assurant la poursuite du jeu concurrentiel.
Le tarif du dégroupage sera alors “un instrument de pilotage” assure l’Arcep. En réponse à la consultation lancée par l’Autorité en février portant sur son projet d’évolution de la régulation pour 2020-2023, Orange a sans surprise campé sur ses positions, “le tarif du dégroupage doit augmenter progressivement au cours du prochain cycle afin de permettre une juste rémunération des coûts supportés par Orange dans la perspective de la migration du cuivre vers la fibre”, a défendu le FAI. De son côté, Free a milité pour une stabilisation du prix en l’échange d’une fermeture rapide de la commercialisation de 8 à 10 millions de prises ADSL dans les zones déjà fibrées, mais aussi pour une baisse drastique en cas de non-respect.
Pour sa part, Bouygues Telecom est inflexible : “d’un point de vue économique, seule une baisse des tarifs de gros, conduisant à ne recouvrer que les coûts non-évitables, inciterait Orange à fermer son réseau cuivre”. L’opérateur de Martin Bouygues entend par là les coûts d’entretien, de maintenance et le cas échéant “de remplacement des tronçons défectueux si cela est nécessaire”.
Une baisse du prix du dégroupage est selon l’opérateur d’autant plus justifiée que “les investissements réalisés il y a maintenant plus de 40 ans dans la construction de la boucle locale cuivre ont été largement amortis depuis”. En somme, le tarif régulé du cuivre accordé par l’Arcep à Orange serait “surévalué depuis des années”.
Dans ces conditions, “toute augmentation du tarif de l’accès au cuivre, ou ouverture à la modulation dans les zones fermées commercialement, aurait pour effet de désinciter Orange à fermer techniquement son réseau”, poursuit Bouygues Telecom qui appelle le régulateur à prendre en compte l’ensemble des coûts supportés par l’opérateur historique dans les zones non concernées par une fermeture commerciale, “et les seuls coûts non-évitables dans les zones soumises à fermeture.”
Partant du principe qu’en fin de vie de l’infrastructure cuivre, Orange devrait faire des efforts tarifaires, “notamment en raison des très fortes marges qu’il a accumulés depuis 20 ans”, Bouygues estime que “le tarif mensuel actuel de 9,46€ pourrait être considéré comme un plafond”.
Saluant la volonté de l’Arcep d’accompagner la fermeture du réseau cuivre souhaitée par Orange, Bouygues Telecom s’inquiète en revanche “de constater qu’une part notable du processus reste à la main d’Orange”, notamment en matière de délais de prévenance, “ce qui laisse un espace important pour réaliser des choix discriminatoires”.
Dans son projet de régulation des marchés fixes, le régulateur envisage de permettre à Orange, “lorsqu’il constate qu’un nombre suffisant d’opérateurs commerciaux (…) sont déjà présents au niveau d’un point de mutualisation”, de procéder à une fermeture commerciale « rapide » avec « un délai de prévenance de 1 mois pour les offres d’accès généraliste et de 6 mois pour les offres d’accès spécifiques entreprises ».
A ce processus rapide, Bouygues Telecom n’y est pas favorable, jugeant le délais de prévenance trop faible. “Cela ne permettra pas d’anticiper ces fermetures suffisamment en amont, ce qui risque d’occasionner de nombreuses perturbations et mécontentements de la clientèle”, martèle t-il et d’ajouter craindre que seul l’opérateur historique puisse alors “piloter à son profit ces fermetures”. Bouygues, SFR et Free subiraient alors les choix et les cadences imposés par Orange.
Autre inquiétude, le délai de prévenance de 18 mois envisagé par l’Arcep pour la fermeture commerciale en zone moyennement dense. Bouygues Telecom s’inquiète “d’un risque de surchauffe de la machine à raccordement fibre induit”, et de l’absence de prise en compte des difficultés rencontrées. L’opérateur demande ainsi un délai de 36 mois minimum identique à celui de la zone très dense.
Enfin, dans le but de permettre aux opérateurs alternatifs d’anticiper suffisamment, Bouygues Telecom demande qu’Orange “ne puisse pas déclencher la prévenance de fermeture commerciale sur une zone arrière de NRA (noeud de raccordement ADSL) dont la couverture fibre serait inférieure à 90%”. La transition vers la fibre en France et le démantèlement du réseau cuivre ne seront donc pas un long fleuve tranquille. Une chose est sûre, le cadre réglementaire qui sera retenu par l’Arcep devra maintenir le niveau de concurrence actuel.
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