Fibre : pourquoi Orange conteste les 26 millions d’euros d’amende infligés pour non-respect de ses engagements
L’Arcep publie la décision de sanction à hauteur de 26 millions d’euros à l’encontre d’Orange pour non-respect de la première échéance de ses engagements en zone AMII. C’est l’occasion de connaître les arguments de l’opérateur historique dont l’intention est désormais de saisir le Conseil d’État.
Il s’était engagé en 2018 à couvrir au plus tard fin 2020 (échéance repoussée par la suite) l’intégralité de 3000 communes en zones moins denses d’initiative privée (dites zones AMII, pour appel à manifestation d’intention d’investissement). De surcroît, Orange avait consenti volontairement à rendre cet objectif opposable,” de sorte que si nous ne tenions pas l’objectif, nous acceptons le principe d’une sanction pécuniaire”.
Plus de 5 ans plus tard, le compte n’y est pas aux yeux de l’Arcep qui a finalement prononcé le 8 novembre une sanction financière de 26 millions d’euros à l’encontre de l’opérateur historique après une mise en demeure l’année dernière. La formation restreinte du régulateur a considéré que le non-respect de cette échéance revêt une particulière gravité, il porte notamment atteinte à l’intérêt et à l’aménagement numérique des territoires, et l’intérêt des utilisateurs finals dans leur accès aux réseaux.
Jugeant cette amende “totalement disproportionnée”, le FAI qui ne cesse de rappeler être l’investisseur numéro 1 dans la fibre en France, n’a pas l’intention de passer à la caisse et conteste le bien-fondé de la sanction. Son intention est saisir le Conseil d’État.
Une questions se pose alors, quels sont les arguments d’Orange ? En rendant public le 27 novembre sa décision de sanction à son encontre pour non-respect de la première échéance de ses engagements en zone AMII, l’Arcep a dévoilé la position d’Orange.
Pour considérer qu’il n’avait pas rempli ses engagements, l’Arcep aurait selon l’opérateur “calculé le pourcentage de locaux rendus raccordables ou RAD [raccordables à la demande] non sur la base du référentiel INSEE 2013 tel qu’Orange estimait l’avoir prévu mais sur la base des fichiers IPE ». Selon lui, ce changement de référentiel, non prévisible, est intervenu 6 mois avant l’échéance de son engagement, en pleine crise sanitaire. “La trajectoire de nos déploiements était parfaitement conforme à nos engagements », a soutenu l’opérateur et d’ajouter avoir eu connaissance de l’écart que trop tardivement.
Orange indique en outre avoir « procédé à des investissements conséquents pendant toute la période concernée, y compris en 2020 avec une année record en nombre de locaux rendus raccordables malgré un contexte très difficile lié à l’état d’urgence sanitaire », et ajoute avoir « poursuivi ses déploiements à la suite de la mise en demeure, et ce malgré l’existence d’un litige devant le Conseil d’Etat ».
Dans sa réponse du 13 octobre 2023 au questionnaire de la formation restreinte, le FAI indique par ailleurs qu’au 30 septembre 2022 comme l’exigeait la mise en demeure, [avoir] bien rendu raccordables 11,371 millions de locaux, soit plus de 92 % du total des locaux du périmètre AMII (12,868 millions de prise) à cette date, ce qui était dans son engagement hors cas de refus (819 000 prises) et immeubles en construction, selon les évaluations de la notification des griefs. Orange avait donc bien réalisé à cette date le « déploiement » nécessaire pour atteindre le premier jalon des engagements”.
Ça coince sur les 543 000 locaux raccordables sur demande
Dans sa décision, l’Arcep estime au contraire qu’Orange n’a pas respecté son engagement de mettre en RAD (raccordables sur demande) 543 000 locaux « à l’échéance fixée par la mise en demeure, soit au 30 septembre 2022 ».
Sur ce point, Orange souligne « que l’impact de ce grief est extrêmement limité voir nul au regard, d’une part, de l’absence d’intérêt des opérateurs commerciaux pour les RAD et, d’autre part, du fait que cela n’aurait eu aucune incidence sur le volume global de locaux rendus raccordables sur cette période ».
Le délai de normalisation de l’offre RAD est mise en cause : « presque trois années se sont écoulées entre la mise en œuvre d’une offre de gros par Orange et la normalisation du protocole par l’ensemble des opérateurs dans le cadre du groupe de travail Interop’Fibre », explique l’ex-France Télécom tout en invoquant ensuite le taux de conversion sur la période considérée via la mise en lumière de plusieurs éléments complexes qui n’ont pas su convaincre le régulateur. “Il en résulte qu’Orange a usé d’une stratégie visant à lui éviter des déploiements ponctuels au sein de son périmètre d’engagement, lui permettant notamment de différer ses investissements”, conclut l’Arcep.
A la vue des pièces du dossier, le gendarme des télécoms a estimé que l’opérateur historique n’a pas apporté “la preuve du respect de l’obligation d’assurer, au plus tard le 30 septembre 2022 en vertu de la mise en demeure, que 100 % des logements ou locaux à usage professionnel des communes ou parties de communes concernées par ses engagements, sauf pour ceux de ces logements et locaux pour lesquels un refus aurait été opposé par les copropriétés ou propriétaires concernés, soient rendus raccordables ou raccordables sur demande, avec au plus 8 % de ces logements et locaux raccordables sur demande”.
Dans sa décision, l’Arcep conclut qu’Orange n’est pas parvenu à rendre raccordables ou raccordables sur demande 543 000 locaux avant la date limite. En amont de cette décision, Orange a trouvé un accord avec le gouvernement pour accélérer le déploiement de la fibre en France via de nouveaux engagements. Pour le régulateur, ceux-ci “sont en tout état de cause sans incidence sur le non-respect des engagements et la gravité du manquement commis au titre de la première échéance”.