Une enquête interne de l’opérateur historique a dévoilé plusieurs pratiques anticoncurrentielles sur un plateau téléphonique localisé à Metz.
Une affaire qui fait tâche pour Orange. En 2018 et pour une durée d’au moins quelques mois, des “fraudes” ont été commises dans un but de fidélisation des abonnés selon un rapport d’enquête interne lu par Mediapart.
Cette procédure a été initiée par un ancien commercial, Cyril Leuthreau, ayant travaillé lui même au plateau de fidélisation de Metz incriminé dans ce rapport. « J’ai averti mes chefs le 27 septembre 2018 par un mail d’alerte que le plateau sur lequel je travaillais se livrait à des pratiques commerciales anticoncurrentielles. La direction a décidé de procéder à une enquête interne, mais ils n’ont pas su me protéger » témoigne-t-il auprès de nos confrères. Une liste de pratiques non éthiques pointées du doigt dans les 276 pages qui ont émergé de l’enquête initiée le 2 octobre 2018 et qui n’ont cependant jamais été publiées.
Orange explique que “les résultats ont mis en évidence une quinzaine de cas de fraude qui ont tous donné lieu à [des] sanctions adaptées à la gravité des faits ” et affirme qu’aujourd’hui, “toutes les mesures ont été prises pour faire cesser ces pratiques“. L’opérateur ajoute par ailleurs qu’une réorganisation a été effectuée tout en assénant que “aucune violation des obligations concurrentielles et réglementaires applicables à Orange n’a été détectée”.
D’après celui qui se présente comme “lanceur d’alertes”, la pratique la plus inquiétante touche des ventes frauduleuses : “mes anciens collègues n’avertissaient pas toujours les clients qu’ils leur faisaient souscrire de nouveaux produits.” Concrètement, les personnes prenant en charge les clients pouvaient utiliser les réductions qu’ils pouvaient accorder dans un but de fidélisation dans le but de “masquer le placement d’une option payante” expliquent les enquêteurs d’Orange, en activant l’option mais en faisant en sorte que le montant du forfait ne change pas. L’intérêt étant bien sûr pour le conseiller de décrocher une commission : en novembre 2016, trois d’entre eux ont totalisé des primes supérieures à 5000€ et l’un d’eux a même atteint la somme de 8 231.10€. “On réengage le client avec des produits qu’il n’a pas demandés, et plusieurs mois plus tard, quand il fait une réclamation, on lui rembourse , explique Cyril Leuthreau . Orange perd de l’argent, mais les commerciaux ont touché leurs commissions. »
Cette pratique était si bien ficelée que les conseillers faisaient volontairement une faute dans les adresses mails des abonnés touchés, “les clients ne recevaient pas les factures avant deux ou trois mois, cela laissait le temps au commercial de toucher sa commission“. Le tout réalisé facilement puisque selon le rapport “les contrôles sont rares“. D’autres techniques ont été utilisées : sur les demandes de portabilité pour changer d’opérateur sur une offre combinant fixe et mobile, certains commerciaux utilisaient une application maison pour lister les clients demandant à changer d’opérateur et les faire basculer sur une offre internet sans mobile, pour éviter un désengagement complet. Le rapport confirme que « des cas clients identifiés prouvent ce type de fraude parmi les ventes de plusieurs conseillers ». Toujours selon le rapport, « une demande de blocage de l’application » utilisée a été demandée en avril 2018, mais s’est révélée « impossible à réaliser ». A noter qu’il est interdit que le service technique et le service commercial échangent des informations.
D’autres utilisaient un outil de géolocalisation réservé aux services techniques d’Orange pour identifier les personnes nouvellement éligibles à la fibre, un outil qui n’est pas accessible aux opérateurs concurrents. Un témoin auditionné a confirmé aux enquêteurs que ses collègues utilisaient l’application pour démarcher les habitants. « Les conseillers trichaient, certes, avec cette application pour avoir de l’avance, mais il ne faut pas oublier que c’était la direction qui nous la fournissait. La responsabilité vient aussi d’en haut » estime Cyril Leuthreau.
Orange pour sa part ne se considère pas en faute : « Dans le cadre l’exercice de leurs fonctions, les salariés ont accès à un certain nombre d’applications qui s’appuient sur des données publiques et accessibles à tous les opérateurs. » Les enquêteurs pour leur part n’ont pas trouvé « d’élément probant [permettant] d’attester d’une fraude à l’aide de cette application […] bien que certains conseillers clients l’aient dénoncée. » Plusieurs témoins interrogés estiment cependant que la hiérarchie n’a pas pris en considération les remontées des salariés et que les problèmes ont mis longtemps à être rectifiés.
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