Free remporte définitivement un bras de fer juridique de longue date avec SFR
La cour de cassation a finalement donné raison à Free dans l’affaire des mobiles subventionnés face à SFR.
Un conflit qui opposait les deux opérateurs depuis 2012. SFR avait en effet lancé une opération commerciale nommée “Carré”, permettant à ses abonnés d’acquérir un smartphone à tarif “attractif”, en augmentant le forfait mobile pendant 12 à 24 mois pour un achat au coût moins élevé que s’ils optaient pour un smartphone sans abonnement. Cependant, Free expliquait que le smartphone pouvait revenir bien plus cher, avec comme exemple notable un Blackberry vendu 239,9 euros “nu”, mais seulement 9,99 euros à condition de souscrire avec un abonnement de 24 mois accompagné d’un supplément de 14 euros (69 euros au lieu de 55 euros) sur le forfait mobile, qui aboutissait finalement à payer l’appareil 106 euros plus cher.
Pour Free, l’opération menée par SFR relevait d’un crédit à la consommation mais n’en respectait pas les règles, en faisant donc “une pratique commerciale déloyale et trompeuse”, visant à conserver ses abonnés après la naissance de Free Mobile. L’opérateur de Xavier Niel a donc assigné SFR devant le Tribunal de Commerce de Paris en 2012, pour “pratiques déloyales et trompeuses” ainsi que pour non-respect des dispositions du crédit à la consommation, ce qui constituerait une “publicité illicite et déloyale”. Une bataille dont il sort aujourd’hui vainqueur.
Une affaire pleine de rebondissements
Free réclamait à l’époque des dommages de 29 millions d’euros, puis en 2013, le Tribunal de commerce avait finalement débouté l’opérateur estimant que “dans la formule Carré de SFR, le prix du terminal mobile est payé comptant, lors de l’achat concomitant à la souscription de l’abonnement, et que les conditions de vente du terminal sont indépendantes de l’abonnement”. Les juges avaient donc considéré dans un premier lieu que l’offre relevait d’un abonnement avec engagement et l’acquisition d’un smartphone à son terme. Free s’était vu condamné à payer 300 000€ de dommages, notamment suite à une interview de Xavier Niel ayant “dénigré” SFR.
L’opérateur avait ensuite tenté de passer en appel, réclamant notamment 76.8 millions d’euros de dommages, mais a finalement vu sa demande rejetée en 2016. Free n’avait cependant pas abandonné avec un pourvoi en cassation, qui a renversé la table. La Cour de cassation avait, le 7 mars 2018, cassé la décision de la Cour d’appel. Elle considère en effet qu’il n’est pas exclu “qu’une opération consistant à livrer un produit dont le prix est payé par des versements échelonnés, intégrés chaque mois dans la redevance d’un abonnement souscrit pour un service associé” soit rapprochée d’un crédit à la consommation. SFR avait ensuite fait appel, mais la Cour d’appel a considéré en 2019 que les offres “Carrés” devaient être vues comme un crédit à la consommation déguisé, en observant également que “certains consommateurs ont remboursé à SFR beaucoup plus qu’il ne leur a été prêté” et que “le coût réel des terminaux est masqué. Ce mécanisme peut donc conduire les consommateurs à dépenser plus, sans qu’ils en aient forcément conscience. SFR, en dissimulant sciemment la nature onéreuse du crédit, passe sous silence le taux d’intérêt qui, pourtant, dans certains cas est largement au-delà du taux de l’usure (20,65 %). SFR, en n’informant pas le consommateur sur le coût global de son abonnement avec achat du terminal au prix attractif, trompe sciemment le consommateur en lui faisant croire que cette option serait plus intéressante, ce qui n’est pas toujours le cas“.
SFR a donc à son tour formé un pourvoi en cassation, qui a été rejeté le 16 mars dernier. Si l’opérateur au carré rouge a été condamné à verser 3000 euros de frais de justice, le préjudice subi par Free n’a pas encore été évalué, mais la Cour d’appel doit déterminer son montant prochainement. L’opérateur de Xavier Niel pour sa part réclame 98.75 millions d’euros de dommages. D’autres procédures autour des offres subventionnées sont également en cours, visant cette fois Orange et Bouygues Telecom.
Source : Capital