Alors que l’Union Européenne a ordonné dans l’urgence la coupure des médias comme RT ou Sputnik dans l’ensemble des pays, les opérateurs, s’ils s’exécutent n’ont pas réellement reçu de consignes claires pour la marche à suivre.
Depuis la semaine dernière, les médias considérés comme des organismes de propagande russe sont dans le viseur de l’Union Européenne. Si les chaînes TV de Russia Today ont bien été coupées par leurs distributeurs en France, suite à une consigne donnée à l’échelle de l’UE, les fournisseurs d’accès à internet n’ont pas réellement reçu de cadres clairs pour bloquer ces médias sur le web. L’interdiction de diffusion est en effet assez vaste, concernant tant la transmission ou la distribution et ce “par tout moyen”, donc tant les fournisseurs de services Internet, les plateformes que les moyens liés aux réseaux télécoms. Si le BEREC, groupe de régulateurs Européens pousse en ce sens, certains opérateurs veulent une sécurité juridique : comment agir pour suivre ces mesures exceptionnelles sans dépasser la limite?
Un manque de clarté dans les consignes données qui laisse aux opérateurs la responsabilité de choisir qui bloquer. Eric bothorel, député LREM assure dans les pages de Nextinpact que ” la France déclinera ce que l’Europe a décidé avec une application stricte, quelles que soient les adaptations avec notre droit actuel, pour des raisons exceptionnelles », puisqu’ « un pays a choisi d’agresser un autre pays sur notre continent en tirant sur des civils, ce [qui] n’est pas anodin”. Cependant, le texte inscrit au journal officiel de l’UE mercredi dernier ne fournit pas la liste des noms de domaines et laisse ainsi douter sur l’efficacité de la mesure.
La Fédération Française des Télécoms confirme qu’en l’essence, chaque opérateur fait ainsi ce qui lui semble le plus pertinent. Bloquer des noms de domaine comme les sites français ou espagnols de Russia Today semble couler de source, mais d’autres sites, comme Arabic.rt.com, ont été bloqués par Orange ou Free. Un choix qui pourrait leur être reproché plus tard si le lien évident entre ce nom de domaine et la propagande russe n’est pas clair. Si les applications de la mesure varient d’un opérateur à l’autre dans un seul pays, à l’échelle de l’Europe, l’impression de désordre est décuplé. Certains sites sont bloqués en France mais pas chez nos voisins allemands par exemple, et en Autriche, certains témoignages expliquent qu’aucune mesure n’est appliquée… L’absence de noms de domaines clairement définis peut permettre une réaction vive en cas de remplacement des plateformes bloquées par exemple, mais présente aussi ses inconvénients. Notamment le risque de surblocage, dont la responsabilité pourrait être directement attribuée à l’opérateur en question.
La présidente du BEREC expliquait dans un communiqué court que ces mesures étaient légales tout en expliquant que les FAI pouvaient faire appel aux autorités nationales membres du conglomérat de régulateurs s’ils avaient besoin d’aide pour se conformer à ces mesures. Ce qu’à fait notamment Nicolas Guillaume, CEO de Netalis, opérateur basé en France. Il rappelle dans un courrier adressé à l’Arcep « qu’un opérateur ne peut procéder à un blocage de contenu que si ce dernier a été précisément désigné par un acte législatif, ou une décision de justice, ou une décision d’une autorité administrative indépendante respectant les droits fondamentaux de l’Union“, d’après le règlement Internet Ouvert.
Il y a cependant un hic : “si l’application d’une telle mesure sur le volet audiovisuel ne pose pas trop de difficultés d’interprétation, ce n’est absolument pas le cas en matière de transport et accès Internet“. « Enfin, et surtout, les contenus que souhaitent voir bloquer les autorités ne sont pas précisément désignés, au mépris des règles de procédures auxquelles sont habitués opérateurs comme magistrats ou services administratifs lorsque le blocage est ordonné respectivement par un juge ou une autorité administrative » continue Nicolas Guillaume, rappelant que les opérateurs ne peuvent être tenus à une obligation générale de surveillance et qu’à ce titre, “ils ne peuvent bloquer sur une injonction générique: les noms de domaines doivent être identifiés“.
L’opérateur a ainsi adressé une liste de questions à l’Arcep pour mettre les choses au clair.Netalis craint que ce manque de consignes claires lèse les opérateurs d’un point de vue juridique et estime “absolument essentiel d’avoir une précision réglementaire la plus juste possible sur la conduite à tenir. En attendant, conformément à sa charte éthique, Netalis se conformera toujours à la règle essentiel de la neutralité du net et ne procède à aucun filtrage ou blocage sur son réseau utilisé exclusivement par des professionnels et des entreprises.”
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