Avant de quitter ses fonctions de président directeur général d’Orange, Stéphane Richard livre une dernière interview confession. Au programme, “l’aversion au risque de l’Etat” pesant sur les initiatives stratégiques du groupe.
Condamné le 24 novembre dans l’affaire Tapie à un an de prison avec sursis, l’actuel PDG d’Orange, Stephane Richard, a pris la décision de démissionner et ainsi respecter la règle fixée par l’Etat, évitant ainsi un éventuel bras de fer avec le principal actionnaire du groupe. S’il quittera au plus tard ses fonctions au 31 janvier 2022, le temps nécessaire pour prendre congé de ses équipes et permettre la transition avec successeur, le futur ex-patron de l’opérateur historique a tenu à se livrer dans un entretien accordé au Point avant de partir “faire son deuil et réfléchir à son avenir”, dans les télécoms ou ailleurs, possiblement à l’international.
Après avoir fait part de sa «colère » et de son « incompréhension devant le revirement opéré après la relaxe de la première instance », Stéphane Richard a passé en revue ses accomplissements mais aussi ses échecs à la tête d’Orange, sans épargner l’Etat. S’il estime que ce dernier est un actionnaire “stable, qui rassure salariés et clients”, et qui “favorise l’investissement”, il note a contrario certaines limites : “D’abord, l’État actionnaire entretient une forme d’aversion au risque. Il n’est jamais proactif et regarde les projets qu’on lui présente d’abord sous l’angle des risques. Cela pèse incontestablement sur les initiatives stratégiques”, explique celui qui a été nommé à la tête d’Orange par Nicolas Sarkozy, avant d’être confirmé par François Hollande en 2013, puis par Emmanuel Macron en 2018.
Et il ne manque pas d’exemples. Vient naturellement le sujet de la consolidation du secteur des télécoms en France : “Nous sommes un des rares pays de notre taille dans lequel elle ne s’est pas produite. Si le rachat de Bouygues Telecom par Orange a échoué en 2016, c’est en grande partie à cause de l’État, qui a formulé des exigences déraisonnables”, assure celui qui a “mouillé sa chemise” pour que ce rapprochement aboutisse. Sa conviction est fondée : “que Bouygues devienne actionnaire d’Orange a été vécu par certains comme une erreur politique. On ne peut pas me reprocher l’échec de ce projet”.
A ceux qui lui reproche de ne pas avoir réalisé de fusion avec de grands opérateurs étranger, Stéphane Richard se défend : ” J’ai eu plusieurs fois l’occasion d’aller voir l’État pour proposer des schémas de rapprochement, notamment avec Deutsche Telekom. Je me suis toujours heurté à un grand scepticisme. La crainte de l’éloignement du centre de décision, d’une forme de dilution de l’entreprise, a été plus forte que l’intérêt de participer à la création d’un grand groupe Européen”, révèle t-il. Et d’en finir sur ce chapitre, toujours sans langue de bois : “L’État a été souvent le champion des injonctions contradictoires, attentif à l’effort d’investissement en France, au maintien de prix le plus bas possible, tout en insistant sur les confrontations avec les Gafam, l’innovation et la paix sociale”. Ses comptes sont réglés.
Source : Le Point
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