Alors que certains dossiers épineux pourraient nécessiter un rappel à l’ordre de certains opérateurs, l’Arcep rechigne à passer à l’action. Les raisons supposées sont multiples, allant de la faible présidence au pouvoir juridique restreint de l’institution.
Entre menace d’actions judiciaires et prudence politique, l’autorité du Gendarme des télécoms est remise en question. Le dernier exemple en date concerne l’obligation de couvrir en fibre optique les zones moyennement denses (environ 40% de la population française) d’ici 2022, sur laquelle Orange et SFR sont “en dessous des objectifs qui ont été pris” reconnaît la présidente de l’Arcep Laure de la Raudière. La question se pose alors : pourquoi aucune sanction n’est appliquée ?
Depuis 2018, l’Autorité est en effet en mesure de mettre en demeure les opérateurs et même de les sanctionner à hauteur de 3% de leur chiffre d’affaires. Cependant, l’Arcep semble rechigner à prendre les choses en main.
Sur le sujet des ZMD, Laure de la Raudière explique qu’il revient au gouvernement de saisir l’autorité. Pour le régulateur, puisque les engagements ont été pris avec le gouvernement, c’est à ce dernier de saisir l’autorité s’il estime que les engagements ne sont pas tenus.
Certains observateurs rétorquent cependant que l’Arcep est en effet autorisée à s’autosaisir et de sanctionner les manquements constatés. Le Sénateur Patrick Chaize, également président de l’Avicca, regroupant des collectivités impliquées dans le numérique ainsi que d’autres observateurs s’inquiètent de voir l’Arcep rechigner à prendre des décisions seule. Ce dernier affirme “l’Arcep n’a pas à attendre une injonction ou une sollicitation de la part des collectivités ou de l’État pour effectuer son travail de contrôle et de vérification des engagements des opérateurs. ” Le sénateur ne prend pas de pincettes, tempêtant même que “si l’autorité n’est pas capable de jouer son rôle, il faut supprimer l’Arcep“.
Plusieurs raisons pourraient expliquer cette prudence, avec tout d’abord le risque d’entrer en conflit ouvert avec un opérateur : une mise en demeure et une sanction de la part du gendarme pourrait entraîner une action en justice et une affaire de longue haleine, qui ralentirait alors le déploiement de la fibre. Mais une autre raison évoquée serait plus politique : des retards et des sanctions viendraient ternir le bilan du plan France Très Haut Débit.
Certains acteurs estiment d’ailleurs que le problème peut s’expliquer par un pouvoir de sanction juridiquement faible. Une situation démontrée par une affaire ayant eu lieu en septembre 2019 avec Orange. L’opérateur historique, furieux d’avoir été critiqué concernant l’état de son réseau cuivre, avait été menacé d’une amende d’un milliard d’euros. La réponse ne s’est pas fait attendre, puisqu’une Question Prioritaire de Constitutionnalité a aussitôt été déposée pour contester le pouvoir de sanction de l’Arcep, Orange estimant que “l’absence de séparation au sein de l’Arcep entre les équipes chargés d’écrire la règle, de contrôler son respect et de sanctionner les éventuels écarts” est un problème. Si la hache de guerre est enterrée, l’opérateur a clairement indiqué que cette procédure pourrait de nouveau être brandie.
La position de présidente de l’Arcep n’est pas simple, d’autant plus dans le contexte actuel. Un connaisseur du sujet interrogé par La Tribune explique que Laure de la Raudière est une présidente “affaiblie” , “fragilisée” et pouvant “être mise en défaut“.
La raison réside dans la nature de sa nomination. Une nouvelle directive européenne impose depuis l’année dernière une procédure de sélection ouverte transparente. Cependant, l’actuelle présidente a été choisie par l’Elysée et a vu son nom validé par le Parlement, comme ses prédécesseurs. Une situation qui faciliterait la tâche pour un opérateur mécontent d’une décision de l’Arcep : il pourrait alors déposer une QPC pour dénoncer la légitimité de sa présidente. Une véritable épée de Damoclès planant au-dessus de Laure de la Raudière, dans un domaine difficile à réguler.
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