En 2015, Free assignait SFR en justice pour son utilisation abusive du terme fibre dans ses offres très haut débit. Près de six ans plus tard, l’affaire est désormais définitivement close.
L’épilogue d’une affaire que SFR traîne depuis des années. Le 15 octobre dernier, la cour d’appel de Paris a confirmé la condamnation de l’opérateur au carré rouge pour “pratiques commerciales trompeuses” suite à l’assignation en justice de Free en 2015. SFR doit donc verser un million d’euros de dommages à l’opérateur de Xavier Niel.
“La confusion entretenue a indiscutablement conduit les consommateurs à souscrire à une offre dans la croyance que leur logement était raccordé [en fibre] de bout en bout et qu’ils étaient bénéficiaires d’une connectivité la plus performante du marché”, explique la cour, qui va jusqu’à mentionner une pratique “indiscutablement déloyale”.
Le très haut débit n’est pas obtenu uniquement par la fibre de bout en bout. Plusieurs technologies de liaison peuvent être utilisées, avec d’un côté le FttH, qui fait la liaison entre un noeud de raccordement et le logement de l’abonné uniquement avec de la fibre, mais Numéricable (devenu SFR en 2014) a choisir d’utiliser du coaxial. Concrètement : la fibre optique était bien utilisée pour le coeur de réseau, mais un câble coaxial se charge de terminer la connexion sur les derniers mètres (depuis le dernier répartiteur ou en bas de l’immeuble). Or, un câble coaxial propose un débit plus faible que la fibre optique et puisque SFR se targuait de commercialiser des “Box fibre” qui ne l’étaient pas totalement, Free a décidé d’assigner son concurrent en justice.
Free estimait en effet que l’utilisation de “termes mensongers” dans la communication de SFR lui faisait perdre des clients potentiels alors qu’il déployait pour sa part la fibre jusqu’à l’abonné directement. En 2015, au début de l’affaire, l’opérateur de Xavier Niel réclamait près de 52 millions d’euros de dommages à son concurrent. Un premier jugement a été rendu en 2018, où le tribunal reconnaissait que “le défaut d’information retenu a nécessairement eu pour conséquence l’amélioration de l’image de SFR au détriment des autres opérateurs“. L’impact précis et le lien de causalité entre le défaut d’information et le préjudice pour Free ne pouvant être établi clairement, SFR était alors condamné à verser un million d’euros à son concurrent. L’opérateur a fait appel, pour le résultat que l’on connaît aujourd’hui.
Quant à la communication envers les clients SFR, le tribunal de commerce avait alors ordonné à l’opérateur de préciser explicitement dans sa terminologie où la technologie “fibre” s’arrête dans le réseau. En 2020 cependant, l’opérateur qui n’avait pas joué le jeu a écopé d’une nouvelle condamnation, le forçant à informer ses abonnés de la nature de leur offre et de leur possibilité de résilier leur abonnement sans délai. L’association de consommateur UFC-Que Choisir a d’ailleurs vivement critiqué l’opérateur qui rechigne à laisser ses abonnés résilier sans frais, obligeant ces derniers à passer par une procédure bien précise.
Suite à cette action en justice, un arrêté décisif a été signé pour que les opérateurs ne puissent pas utiliser le mot “fibre” à tort et à travers. Dans sa communication, SFR ne précisait la nature coaxiale du raccordement qu’à travers des astérisques difficilement lisibles ou dans des rubriques obscures de son site web. La cour estime d’ailleurs que “la présentation graphique de l’ensemble de ces affiches met en évidence la fibre optique et la rapidité du débit, mais elle ne permet pas à un consommateur d’apprécier que cette offre s’appuie sur un raccordement jusqu’à l’abonné par un câble coaxial. En effet, le renvoi par un astérisque à cette information, développée au bas de l’annonce en très petits caractères à peine lisibles, ne satisfait pas à l’exigence d’informer le consommateur sur la composition du service fourni, quand la terminaison coaxiale est indiscutablement l’une des qualités substantielles du service, en ce qu’elle est l’une des composantes déterminante de la vitesse et de la stabilité du débit“.
En somme, la confusion était maintenue du côté de SFR, donnant l’impression au consommateur d’accéder à une offre très haut débit très performante, sans réaliser que le débit serait moindre que celui obtenu via un raccordement FttH. Le 1er mars 2016, un arrêté est mis en place pour assurer une parfaite transparence des offres. Dans le cas d’un raccordement en câble coaxial, l’utilisation du terme fibre doit obligatoirement s’accompagner de la mention “sauf raccordement du domicile”. Cette précision se devait d’être visible et ne pouvait donc pas être relégué à une simple note de bas de page. Si SFR a tenté de s’y opposer avec un recours au Conseil d’Etat pour “atteinte à la liberté d’expression”, il a vite été débouté et a modifié les noms de ses offres, passant de “Box Fibre” à “Box THD” et “Box 4K”.
Source : Capital
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