Sur Univers Freebox, nous proposons régulièrement à des spécialistes du numérique d’intervenir, notamment au travers d’interview. Aujourd’hui nous diffusons une tribune libre de Sam Bell qui donne une vision très intéressante de la stratégie de Free avec sa nouvelle Freebox Delta. Pour lui il s’agit d’un renouveau raisonné, logique mais incompris.
8 raisons pour lesquelles l’opérateur a complètement raison de changer son fusil d’épaule : (nan en fait on déconne, on en a pas trouvé huit bateau mais deux béton)
Ne traînons pas pour attaquer le sujet, l’opérateur est très connu pour avoir un ADN particulier qui a bien marché ces vingt dernières années, mais qui l’emmène à s’essouffler sur les prochaines dix ou quinze années. Cet ADN s’illustre sur deux notions :
La haute technologie dans les doigts, banalisée :
Le triple-play illustre bien la chose, l’arrivée d’une innovation technologique et ses différents supports, aka une box et un player, pour accompagner les usages premiers : internet, télévision, téléphone. Mais l’opérateur s’illustre sur une stratégie de services et d’approfondissements technologiques avancés : au lieu de se contenter de simplement fournir le triple-play, il l’accompagne de services pour les utilisateurs les plus avancés : service SIP, de télévision sur ordinateur, modem/routeur paramétrable dans les plus grandes lignes, CPL fournis, télévision HD avec enregistrement sur disque-dur, messages vocaux reçus par email… les services ne manquent pas pour faire l’image que l’opérateur veut donner : un opérateur par les geeks, pour les geeks !
La seconde devise de l’ADN de l’opérateur repose sur un trait très stratégique :
Comme on le retrouve dans de nombreux enseignements du supérieur, il n’existe pas moulte méthodes de différenciation sur la commercialisation d’offres sur un marché : la distinction par le prix, et celle par la différenciation du produit ou du service. Ici, en plus de se différencier fortement sur les services, il vient s’identifier dans une notion de prix cassés, d’opérateur à l’image décalée, qui vient fournir au grand public ce que les autres vendent plus cher..
Mais cet opérateur aux quatre lettres s’est récemment illustré dans un virage stratégique en cohérence totale avec les mouvements du domaine et de son marché, en désaccord avec les lignes jusqu’ici représentées par la gent geek.
C’est ainsi que l’on en vient à diverses nuances, plus ou moins en vrac, qui font que ce qui a crée son succès, comme le répète Bernard Arnault, sont aussi ce qui peut créer sa faiblesse : il ne faut jamais se reposer sur ses lauriers, ère la plus dangereuse d’une entreprise, car définissant les vrais risques
comme faibles..alors que la situation est toute autre. Ce que demandent les geeks, c’est simple : une box avec le minimum syndical de services, le maximum envisageable de technologies, pour le prix le plus raisonnable possible. Ils ont juste oublié qu’ils ne sont absolument plus représentatifs de ce que l’ADN de Free devient. L’explication
suit :
Tout d’abord, rappelons que jusqu’ici, Free faisait dans le bas coût, le correct technologiquement, qui a fait sa renommée. Mais le schéma n’est plus à jour, n’en déplaisent aux nerds.
L’idée ici qui va permettre de mettre en lumière est très simple :
Free a fait exploser le compteur du tarif mensuel ou annuel sur ses nouvelles box. Ca a provoqué l’effet d’une bombe auprès de la gent nerd, les geeks abonnés ordinaires chez l’opérateur aux quatre lettres. Ils sont déçus. Mais il s’agit de la même bombe qui va les sauver. Enfin sauver leur ’FAI’, en perte de vitesse, chose très dangereuse sur le secteur technologique, notamment des télécoms, en perpétuel mouvement.
Sauver leur FAI, donc dans le sens ou ça va faire exploser le CA. Normalement. Pour deux règles simples :
La première : Free, malgré un ajout complémentaire de deux box, qui sont leurs nouveaux produits phares, propose toujours ses offres jusqu’ici présent : il s’illustre donc à la fois sur une montée en gamme affirmée et un schéma d’entrée de gamme, accessible financièrement. Cette double casquette lui confère la possibilité de ne pas chambouler son modèle d’affaires déjà établi mais de le compléter. Ainsi, en plus de conserver ses clients, et d’attirer de nouveaux potentiels souhaitant de l’accessible, il permet d’attirer du haut de gamme.
En deux mots : Free reste lui même sur sa première casquette, et s’immisce sur celle d’Orange et SFR en créant une seconde casquette commerciale.
Pourquoi ? Dirons-nous pourquoi pas : un investissement en R&D énorme, soit financier pour le technologique, l’humain, le juridique.. le développement pas d’une mais de deux nouvelles box est juste énorme. Dans un objectif tout simple : rapporter conséquemment. C’est ainsi que l’on peut distinguer une petite notion qui était facilement, très facilement devinable, dans l’esprit du gourou de l’opérateur d’Iliad : l’adulation, la sacralisation, du haut de gamme par ses références très fréquentes au sacro-saint Apple, leader de l"équipement électronique auprès de la famille Niel, en tout cas de ce que ceux qui l’ont approché ont vu, à la fois au travers de ses appareils personnels, comme de ses propos généralement souvent relatés à la firme de Steve Jobs. Un choix, qui peut s’attaquer comme se défendre, mais qui illustre très fortement l’envie stratégique du directeur à la stratégie d’Iliad, Niel : se rapprocher du secteur haut de gamme, voire très haut de gamme.
L’évolution du statut social et du cercle rapproché de l’entrepreneur des télécoms y a t-il joué ?
Fréquentant aujourd’hui à la fois ingénieurs, mais surtout hommes d’affaires, de par son entourage et sa famille, une illustration dans la montée en gamme était juste inévitable. Et bien raisonnée : Tesla est dans ce même cas de figure, fait rêver tous ces nouveaux riches (et anciens), qui ont le droit de l’être d’ailleurs, et maintenant d’en déteindre sur ses offres commerciales. La raison unique ? maintenant dévoilée, il s’agit d’être à l’image d’Apple : Ordinateur personnel et smartphone vendus hors de prix, par rapport à la concurrence, et concentrés de technologies alliant design et originalité, pour pouvoir justifier une marge hors du commun : comme Apple, Free s’oriente vers le haut de gamme, la raison toute simple est la suivante : soyez-en certains, les gens a-chèt-eront. Oui, elle se vendra. Pourquoi pas ? Elle s’ajoute comme une alternative principalement destinée à un public caractérisé par l’étiquette CSP+. Et elle va se vendre, très bien se vendre.
Donc il est ici question d’une relance de recrutement loin d’être anodine : continuer à la fois à vendre aux consommateurs issus des classes dites populaires ou moyennes, de par ses offres allant jusqu’à la Freebox Révolution, puis séduire un nouveau segment (le marketing adoooore segmenter, il sert à ça) : les jeunes actifs CSP+, souvent cadres, voire cadres supérieurs, etc, qui n’ont pas le
temps d’aligner, comme le dixit Niel, cinq ou dix gadgets Hi-Tech haut de gamme en un long week- end de configuration : Une seule boite, très haut de gamme, plutôt que de remplir au fur et à mesure son panier sur Amazon. Alors que les Echos, au lendemain de la commercialisation de la Delta, affirmaient que le nombre de commandes avaient commencé sur de très bonnes bases, Free dessine enfin sa nouvelle stratégie : servir deux tranches de consommateurs bien distinctes, pour ravaler tous les clients partis vers la concurrence.
Le Malheur des uns fait le bonheur des autres
Dernier regret des abonnés de longue date, de la première heure, ou tout simplement des nerds pur-
et-durs : Le prix.
Inexplicable pour les geeks, incompréhensible pour les fidèles, scandaleux pour les adorateurs, inabordable pour d’autres… Enormément, énormément de prétextes sont sujets à montrer du doigt ces nouvelles box très haut de gamme, et pour cause : la montée en qualité engendre une explosion du tarif, qui est conséquente à la croissance presque assurée du Chiffre d’Affaires de l’opérateur.
Mais !
Un seul public se plaint : celui des geeks, nerds, qui voulaient ‘juste’ de l’internet. Rien d’autre. Qui attendaient un plan fibre 2020 pour tous au lieu d’une box trop haut de gamme. Ils n’ont pas compris que c’est pas auprès d’eux que Free va pouvoir survivre. En effet, ils pourraient s’illustrer comme étant l’irréductible ensemble de nerds qui souhaitent voir s’imposer quelque chose par les geeks, pour le grand public. Mais l’analogie n’est plus à cette heure. Comme on dit, le malheur des geeks va faire le bonheur du grand public qui a les moyens, pour donner à l’opérateur un nouveau tour de main : faire à la fois dans l’accessible et le haut de gamme, afin de conserver ses bases approximativement stables mais de plus en plus fragiles, vers une idéologie commerciale beaucoup plus huppée, afin de séduire la clientèle d’un requin en particulier : le CSP+ qui n’a, ni ne veut, prendre le temps de configurer tout son régiment d’appareils numérique.
Et si mal en a pris aux geeks, alors une certitude restera : bien en a pris à Niel, car à l’instar du peuple geek qui a tendance à aduler le monde d’android et de windows (ou linux), les CSP+ actifs, qui représentent le profil même de ce que semble vouloir attirer l’opérateur d’Iliad, sont beaucoup plus orientés milieu de gamme ou haut de gamme qu’on ne l’imagine. Une raison béton :
Pourquoi ?
Oui, pourquoi ? Parce qu’Apple vend toujours des iPhone hors-de-prix, et que cela fait dix ans maintenant, pourquoi s’arrêter ?
Free fait exactement ce qu’Apple poursuit depuis vingt ans : la diversification par le haut. Les Macs coutaient une blinde, certes, cependant il ne faut pas oublier que cet ordinateur de luxe s’est fait grignoter rapidement sa part de gâteau dans le CA d’Apple par un petit intrus encore plus minuscule qu’une télécommande : l’iPhone. Et Xavier Niel l’a bien compris, si Apple tire toujours ses produits, diversifiés, vers le haut, et qu’ils se le permettent, c’est parce qu’il y a des millions chaque année qui achètent, consomment, cèdent.. et que cela entraîne une hausse des ventes qui a son très bel effet sur le chiffre d’affaires.
Il est alors temps de rebasculer du point de vue du nerd qui s’attendait à son petit cocon technologique pas cher, à celui du dirigeant d’entreprise qui doit adapter sa vision stratégique au marché de demain : et c’est là que Niel réalise un coup de maître, en faisant évoluer lentement ses offres vers une adaptation la plus large du public par le biais d’offres commerciales adaptées. Et comme les télécommunications fixes, de logement, sont bien différentes que la simplicité des offres mobiles, l’opérateur aux quatre lettres a ab-so-lu-ment tout à y gagner de diversifier vers le haut son nouveau segment de gamme du triple-play à la maison, et va ainsi pouvoir relancer son schéma commercial qui lui permettra de mieux souffler sur son modèle de rentabilité à l’avenir, dont sa survie dépend. Geek, vous avez compris ?
Cet article a été repris sur le site Univers FreeBox