Y a t-il une pénurie de fibre optique en France et quelles sont les tensions actuelles ? A l’heure où les médias s’enflamment sur la toile, Univers Freebox a voulu en savoir plus en allant questionner Alain Brun, directeur de la technologie pour l’Europe de l’équipementier coréen DASAN Network dont la filiale française importe des câbles de fibre optique pour les RIP.
Pouvez-vous nous présenter Dasan en quelques mots ?
Dasan France est une société créé en mai 2016 dont l’actionnaire unique de l’entreprise est le groupe coréen Dasan, une ancienne filiale de Siemens Nokia. Notre activité essentielle est orientée vers les systèmes actifs pour le Très haut débit (FTTH, 5G, Smart City). Notre présence sur le marché des équipements passifs,notamment le câble, nous permet un référencement auprès des grands opérateurs et de montrer notre capacité à fournir l’ensemble de la filière. Par ailleurs, notre compétence en matière de déploiement FTTH est vue par les acteurs de ce secteur au travers du déploiement des réseaux coréens, aussi bien pour ce qui concerne des zones très denses que l’habitat rural.
Vous importez donc du câble de fibre optique pour les RIP, comment cela se passe-t-il concrètement ?
Globalement les opérateurs de RIP nous consultent en terme de capacité de fourniture (spécifications, délai, prix). Au-delà des spécificités de fabrication, cette activité est essentiellement une activité logistique. Nous avons choisi comme partenaire TAIHAN Fiberoptics qui est un des cinq premiers constructeurs mondiaux (de la fabrication des preformes jusqu’à la construction des câbles). Une première approche partenariale avait été conduite avec le constructeur LS Cable. Ce choix a dû être avorté en raison de la difficulté rencontrée par ces usines pour leur approvisionnement en préformes. Ce choix ciblé nous permet aujourd’hui de fournir dans un délai de 90 jours (transport compris) l’ensemble des câbles optiques souterrain et aérien totalement conformes aux normes européennes. A ce jour, la capacité globale de production du groupe TAIHAN est de 15 millions de kms de fibre annuelle. La capacité réservée pour le marché français est située entre 3 et 5 millions de Kms de fibre.
Quels RIP approvisionnez-vous ? Quels sont vos clients ?
A ce jour nous fournissons les RIP « ROSACE », « LOSANGE », quelques grands installateurs (par exemple CIRCET). Nous venons de signer un partenariat de 5 ans avec TDF pour l’équipement des RIP que cette société a remporté.
La question que tout le monde se pose, y a-t-il une pénurie de fibre optique en France. Quelles sont les tensions actuelles ?
Le marché mondial de fibre a été évalué en 2016 à 420 millions de km. En 2017, le besoin est à nouveau estimé à 450 Millions de Km. En 2018, nous en sommes à 500 Millions de km. La Chine, à elle seule, représente 60% de cette demande. (Au premier trimestre 2018, China Mobile a consommé à elle seule 120 millions de km de fibre). A ce niveau on ne peut pas parler de pénurie mais de tension au niveau de la fabrication. Il y a donc des pays, voire des continents, qui absorbent à eux seuls la production des câbliers (par exemple PRYSMIAN doit fournir le contrat AT&T aux USA, un contrat de plus de 12 Millions de Km de fibre pour VERIZON Communications dans le cadre de l’installation des réseaux 5G et privilégie certainement ces ventes en raison d’un prix du marché plus élevé qu’en Europe).
Que se passe-t-il ?
Le problème français est multiple. Tout d’abord nous nous distinguons par des spécificités qui posent aux câbliers internationaux des problèmes d’adaptation de machines (structure en micro-câbles au lieu des structures internationales en loose tube, code des couleurs de l’opérateur historique adopté par toute la filière et différent du code FOTAG international, câbles « rubans » de grosse capacité non admis en France). Ensuite nous pêchons fortement par un manque de prévision. Peux-t-on imaginer que nous sommes parfois contraints de procéder à des frets aériens pour compenser des délais de livraison ?
Etienne Dugas, président de la FIRIP a estimé récemment que les industriels n’ont pas « suffisamment anticipé le pic de la demande, qui va générer des tensions jusqu’en 2019/2020 ». Peut-on parler d’un manque de structure en France ?
Dans les années 80, les industriels français ont vécu une chute importante des prix du marché en raison d’un dumping chinois lourd. Dans les années 90 le prix moyen a même été divisé par 100. Aujourd’hui ils doivent juger ce rebond du marché incapable de compenser les investissements qui seraient nécessaires pour absorber la demande. Ils préfèrent proposer (voire imposer) une politique de régulation des commandes en planifiant les demandes des opérateurs sur leur capacité de production.
Lors de la présentation de l’Observatoire du Très Haut Débit la semaine dernière à Paris, un plan de pilotage national des besoins a été annoncé pour offrir plus de visibilité aux câbliers français. Par ailleurs, un scénario alternatif semble se dessiner afin que la montée en charge de la filière suffise à couvrir les besoins, quelle est votre position et pouvez-vous expliciter ces annonces à nos lecteurs ?
Si ce plan de pilotage national permet aux industriels français de mieux réguler le marché et leur éviter des investissements importants, c’est une bonne idée. Je pense par contre qu’il va à l’encontre du Plan de déploiement FTTH qui ne prévoit pas une extension de la période des travaux, notamment pour les régions qui se sont déjà engagées auprès des habitants.
A l’heure où le besoin en fibre optique va augmenter en France avec un pic annuel de 23 millions de kms de 2019 à 2022, cela semble coincer au niveau de la capacité de production sur les préformes qui sera limite par rapport aux besoins mondiaux.
Et ce n’est qu’un début. L’avènement de la 5G impose de multiplier par 6 les besoins initiaux de réseaux.
Qu’est-ce que sont des préformes ?
La fabrication d’une fibre optique passe par la réalisation d’une préforme cylindrique en barreau de silice. La silice est un composé oxygéné du silicium, présent dans un grand nombre de minéraux, tels que le quartz, la calcédoine et l’opale. La fibre est ensuite étirée à partir de ce barreau. Son centre, qui constitue le cœur de la fibre, nécessite une silice très pure avec un minimum d’ions hydroxyles. La durée moyenne de fabrication d’une préforme (3.000 km de fibre) est de trois jours.
exemples de préformes
Le secteur est-il si réduit que cela ?
Les 5 fabricants mondiaux de preforms sont Corning (USA), Sumitomo (Japon), Furukawa (Japon), Taihan (Corée du Sud), Prysmian (Europe). La fabrication d’une préforme est effectuée sous licence et nécessite un savoir-faire très important. Ces fabricants initiaux vendent une part de leur production à des sociétés de fibrage ou directement à des câbliers, gardant le solde de fabrication pour leurs propres chaines de fibrage ou de câbles….. et les câbliers ont de plus en plus de mal à s’approvisionner en fibre (usines de fibrage) ou en préforme.
La Côte-d’Or, le Jura, la Nièvre, la Saône-et-Loire et l’Yonne ont interpellé récemment le premier ministre martelant que “les territoires sont touchés de plein fouet par la pénurie de fibre optique au niveau mondial ». Ceux-ci demandent que l’Etat prenne “des mesures en lien avec les industriels concernés”. Quelle est votre réaction ? Est-ce un prétexte pour expliquer certains retards de déploiement ?
Les industriels s’appliqueront à organiser un planning de fourniture étalé dans une durée incompatible avec les besoins initiaux de la région. Si le prix d’achat de la fibre en France reste plus bas que la moyenne marchande internationale, la France sera toujours servie en dernier. La première mesure importante serait donc de valider un budget plus important et ne pas passer son temps en négociations improbables. (pour ne pas nommer d’entreprises, certaines négociations de fournitures durent depuis plus d’un an !)
Certains médias comme Le Figaro ont annoncé que Acome et Prysmian ne suivent pas et que les petits opérateurs pourraient être impactés et se tourner vers des fabricants chinois, ce qui pourrait nuire à la qualité. Est-ce la réalité ?
Comme indiqué plus haut, la Chine a pour elle-même un besoin annuel dépassant largement sa production. Elle s’approvisionne donc sur le marché international (notamment en Corée) et revend à l’export à un prix dérisoire une part de sa production dégradée (Généralement vers l’Afrique dans le cadre de marchés globaux). C’est effectivement un vrai risque qualitatif.
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