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Portrait et Interview de Xavier Niel

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Xavier Niel, le franc-tireur du Haut Débit en France !

Une après-midi au cours de mon récent voyage à Paris je me suis retrouvé dans une grande avenue du 8ème arrondissement.

Je regardais bouche bée des chaussures et d’autres dernières grandes nouveautés inaccessibles en raison de la baisse du Dollar américain, lorsque j’ai tourné dans une ruelle étroite. Soudainement, je me retrouvais à l’extérieur d’un immeuble à l’aspect tout à fait normal, et sobre comme le ciel gris de Paris. Je regardais plus attentivement afin de lire les inscriptions qui avaient été rendues quelque peu floues par une façade en verre : Iliad et Free.


J’étais arrivé au bon endroit. L’extérieur modeste, je le savais déjà, était trompeur, car il masque ce qui est sans aucun doute l’une des sociétés de technologie les plus dynamiques de France, celle qui incarne véritablement je le pense, le fournisseur de services en haut débit du 21è siècle.

Iliad est l’invention personnelle de Xavier Niel, un milliardaire de 40 ans qui a réussi tout seul (une spécificité dans ce vieux monde). Sa vedette principale Free (Iliad possède également One Tel et Kertel, un service de carte d’appels) n’est pas le plus grand fournisseur de services en haut débit en France – cet honneur revient à l’opérateur historique France Telecom, qui possède plus de 6 millions des 14 millions d’abonnés haut débit du pays – mais il a investi le marché des télécoms français et lui a donné un véritable coup de fouet.


De quelle manière ? En offrant une vitesse de connexion en haut débit à un tarif uniforme de 30 euros (43$) par mois. Cela donne aux trois millions d’abonnés Free une connexion à Internet en haut débit pouvant atteindre 28 Mégabits par seconde, l’IP TV Free (avec un décodeur multi media intégré gratuit), un Hub wi-fi gratuit, et les appels téléphoniques illimités vers 70 pays.

Et si vous pensez que c’est la fin, réfléchissez-y à deux fois. Ne soyez pas surpris de voir les consommateurs français avoir du 100 Mégabits dans leurs foyers d’ici quelques années, et une vitesse de connexion d’un gigabit par seconde avant que le prochain Président Français ne prête serment – le tout pour le même prix.

Un Tarif Uniforme


Tous les mois Free sort une nouvelle fonctionnalité après l’autre, sans jamais facturer un centime à ses abonnés. Prenez par exemple sa toute dernière fonctionnalité – une chaîne de TV personnelle (TV Perso). Il suffit aux abonnés de brancher une caméra vidéo munie d’un simple câble RCA dans leur décodeur multi media et en quelques secondes ils peuvent émettre en France. (Sans surprise, ce service a engendré des initiatives innovantes, des chaînes TV de divertissement diffusées tard dans la nuit.)


Confus par la panoplie des fonctionnalités offertes par son service, j’ai demandé à M. Niel comment Free réalise cela. ʻʻNous sommes un fournisseur de services en haut débitʼʼ, a été sa réponse à cet effet. ʻʻToute autre chose – de la voix à l’IPTV et au stockage – n’est qu’une fonctionnalité qui s’ajoute à ce service de données.ʼʼ Pour le reste de l’industrie des Télécoms, longtemps dépendante des minutes passées sur Internet comptabilisées et des services facturables, ceci est une idée impensable.

ʻʻJe travaille sur une marge de 50%, ce qui signifie que ma marge est de 10 eurosʼʼ a déclaré M. Niel. Il estime que si un appel lui coûte 8 centimes d’euros, tant qu’il fera 50% de marge brute par mois sur son activité, il ne voit aucune raison de facturer davantage ses clients. ʻʻQuoique je puisse donner à nos clients pour 20 euros, je le leur donneraiʼʼ. Aussi longtemps donc qu’il obtiendra ses 10 euros de marge brute.

Rencontrer M. Niel dont les cheveux volontairement frisés ont poussé trop long, et dont les vêtements ont un look classique distinct en dépit de ses milliards, était le plus important sur la liste des choses que je devais faire à Paris, plus important encore que visiter le Musée du Louvre ou la Tour Eiffel. Il a un passé coloré, certains diraient même sulfureux. Mais cela semble seulement s’ajouter à son personnage de franc-tireur ; il réussirait facilement dans n’importe quelle start-up de la Silicon Valley.


Fais-le selon ta manière

Lorsqu’il a débuté Free en 1999, le terme haut débit venait à peine d’intégrer le vocabulaire. Bien sûr, c’est également à cette période que la bulle télécom a éclaté, ce qui a permis à Free de louer de nombreuses capacités de fibres à un prix bas, éliminant ainsi le besoin de construire un réseau en fibres par ses propres moyens. Disposant ainsi de plus de capacités, M. Niel a commencé à voir grand, et à la fin de l’année 2000 il avait un objectif clair en tête : Il voulait fournir de la télévision par l’ADSL.

"Nous avions contacté les grands fournisseurs d’équipements en Europe et aux USA, mais ils ne nous prenaient pas au sérieux et nous déclaraient : revenez nous voir dans 20 ans," a-t-il rappelé. Mais Free ne voulait pas patienter, il a donc décidé de faire ce que n’importe quelle start-up de la Silicon Valley ferait—construire sa propre souricière.


"Etant donné que nous devions faire les choses à moindre frais, nous avons dû le faire nous-mêmes," a déclaré M. Niel.

Depuis que j’étudie les start-up de la Silicon Valley, j’ai immédiatement reconnu la spécificité de la start-up Free. La moyenne d’âge de ses employés est de 29 ans, ils sont issus d’un bon milieu social et démographique. Pour tous ceux qui sont à la recherche de défis technologiques, Free est un épicentre de créativité.

Xavier Niel s’émerveille lorsqu’il parle de Free et de l’avenir du Haut Débit, il me fait faire le tour de ses installations, comme un homme enchanté. Notre première visite débute au centre d’appels qui est entièrement constitué d’ordinateurs fonctionnant sous Ubuntu (Hé ! Nous sommes chez Free après tout !), seule une poignée d’ordinateurs fonctionnent sous Windows. "Moins de trois minutes pour répondre à un appel, c’est bien", déclare t-il. "Au-delà ce n’est pas bon."

Un étage en dessous, il me présente ses laboratoires dans lesquels un groupe d’ingénieurs travaille sur les réglages fins des boîtiers multimédia du service IPTV. Une autre douzaine d’ingénieurs ou presque, est chargée de concocter les composants électroniques alimentant les modem de Free, ses boîtiers multi media intégrés et même la fibre pour les futurs boîtiers des abonnés.

Lorsque les systèmes terminaux de facturation des fournisseurs extérieurs se sont avérés trop onéreux, Free a conçu lui-même son système. Ils ont fait la même chose pour leurs DSLAMs. "Nous concevons tout nous-mêmes et l’envoyons ensuite aux usines de fabrication en Chine et hors de Paris," explique M. Niel.

Il me présente un nouvel habillage en matière plastique développé par son équipe et destiné à abriter les fibres qui alimenteront le réseau de fibres optiques jusqu’à la maison (FTTH) de Free. Il ne va pas obtenir une quelconque récompense pour son design, mais cela permettra d’obtenir un rabais de quelques euros sur son prix, nécessaire en raison des coûts, et pour M. Niel c’est tout ce qui compte.

La dernière fois qu’une telle intégration verticale a été tentée remonte à un siècle, lorsque Ma Bell réalisa l’ensemble depuis les combinés jusqu’aux switches. Lorsque je parle de cela à M. Niel, il rigole et se presse vers le centre d’opérations du réseau. Alors que je m’attends à voir un mur d’écrans plasma tels que ceux que j’ai vus dans l’ancien AT&T et MCI, je suis au contraire agréablement accueilli par quatre types assis en face d’ordinateurs Dell (fonctionnant sous Ubuntu, bien sûr) avec écrans 24 pouces.

L’un d’eux me conduit vers leur réseau, qui est la véritable raison pour laquelle Free est à même d’offrir toujours plus pour un tarif mensuel uniforme. Je suis étonné d’apprendre que le réseau de Free – 28.000 km de fibres – est supporté par deux routeurs Cisco CRS-1. Rien que çà. "A l’exception des routeurs Cisco CRS-1 et de certains équipements DWDM, une grande partie de notre équipement est conçue par nous-mêmes," déclare M. Niel, avec la fierté évidente d’un constructeur et non d’un accumulateur.

Dave Burstein, qui est l’éditeur de l’influente lettre d’information DSL Prime, a déclaré une fois avec ironie que si Xavier Niel était dans ses mains à Chicago ou à Houston, AT&T aurait des problèmes.

Free a des points de présence pratiquement partout en France, avec des liens de connexion dans de nombreuses villes à travers le monde dont Londres, Amsterdam, et Washington, D.C., qui lui permettent d’échanger du trafic avec d’autres porteuses. Au début, Free a démarré avec un réseau backbone composé de liens de 1 gigabit par secondes ; aujourd’hui ces liens ont gonflé pour atteindre 80 gigabits par secondes. Alors que nous avançons vers les statistiques du trafic du cœur du réseau, j’apprends également que durant les heures de pointes de charge, Free compte pour presque la moitié du trafic des Échanges Internet d’Amsterdam.


Les deux heures de marche se terminent par une visite dans le salon du laboratoire de Free. A ce moment précis, mon ami Rodrigo Sepulveda Schultz qui a permis la tenue de cette rencontre me dit que cette visite est très rare pour les journalistes.

Je demande à M. Niel pourquoi son modèle n’a pas été reproduit ailleurs. Est-ce parce que le trafic Internet français se faisait au début "en réseau" en raison des questions liées à son langage ? Ou en raison de la façon dont son réseau a été conçu, construit pour le haut débit ?

M. Niel, qui a créé le premier FAI de France dès 1993, dit qu’il s’agit un peu des deux bien qu’il ne voie pas pourquoi les autres n’arrivent pas à copier son modèle.
Pour le moment il veut parler de ses deux projets favoris – l’incursion de Free dans l’accès au haut débit par la fibre et ses plans pour la construction d’un réseau sans fil utilisant la bande de fréquences des 900MHz. (L’équivalent aux USA est la très controversée gamme de fréquences des 700 MHz qui va être mise en vente début 2008, et qui est censée rapportée plusieurs milliards de dollars au Trésor public américain.)

Les bouleversements futurs du réseau Sans fil et de la Fibre

Bien qu’il possède déjà la licence nationale WIMAX pour la bande des 3.5 GHz, M. Niel pense que les coûts sont encore trop élevés. En attendant il fait donc du lobbying pour la bande des 900 MHz pour laquelle le Gouvernement Français veut qu’il débourse plus de 600 millions d’euros. Il est prêt à payer, mais à un tarif de 35 millions d’euros par an, tout en déployant son réseau.

De son opinion, c’est une proposition juste, particulièrement parce que les trois principaux opérateurs mobiles n’ont pas réellement déboursé de l’argent à l’État français pour les licences 2G et 3G. Les premiers opérateurs, comme Orange, sont cependant loin d’être excités par cette perspective. Mais tout en menant cette bataille, M. Niel est également occupé par le déploiement de son réseau de fibre jusqu’à la maison (FTTH).

Free projette de câbler en fibre optique toute la ville de Paris. Jusqu’à présent, 30 pourcent du boulot est déjà fait et le reste progresse à un rythme effréné. M. Niel projette ensuite de couvrir six autres villes françaises avec son réseau de fibre jusqu’à la maison (FTTH), d’ici trois ans. "Cela nous libère de la location des lignes de l’Opérateur historique," déclare t-il. Le coût de déploiement d’un tel réseau est énorme mais Free croît actuellement. La maison mère Iliad a affiché un chiffre d’affaires de 950 millions d’euros en 2006, avec un bénéfice de 124 millions d’euros. Et ils possèdent encore un placement sûr de 300 millions d’euros dans une banque. M. Niel a également engagé une part substantielle de sa propre fortune dans une fondation destinée à apporter le haut débit aux régions les moins favorisées du pays.

Avant de quitter les locaux, trois heures après que j’y sois arrivé, je lui demande : Est-ce que les français auront une vitesse de connexion d’un gigabit par seconde dans leurs foyers ?

Il ne répond pas à ma question, mais sourit simplement. Si je devais parier sur ce qui arriverait en premier, moi apprenant le français ou une connexion à 1 Gbps dans les foyers parisiens, je parierais sur cette dernière.

Long et difficile fut le chemin de la traduction mais Univers Freebox tenait vraiment a vous mettre à disposition cet excellent billet d’Om Malik.

(Remerciement à Graudlandre)

Source : Gigaom (anglais)
A propos d’Om Malik, journaliste (anglais)

Cet article a été repris sur le site Univers FreeBox

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