Canal plus a pris position publiquement sur le conflit qui l’oppose aux sociétés de collecte des droits d’auteur en soulignant des “abus” et en s’interrogeant sur la nécessité d’auditer ses sociétés. La réaction de la Société des Auteurs Compositeurs Dramatiques ne s’est pas faite attendre.
Pour rappel Canal + parlait de mettre fin à un certain nombre d’abus qui grévaient son équilibre financier pour expliquer l’arrêt du paiement des droits d’auteurs. En poursuivant sur l’opportunité de diligenter des audits “précis et exhaustifs” sur ces sociétés considérant qu’elles étaient susceptibles de ne pas reverser l’intégralité des sommes dues aux auteurs.
De la poudre aux yeux : la ligne de défense de Canal+ n’est ni crédible, ni tenable pour la SACD
Depuis certains abus dans les années 1990, une Commission permanente de contrôle des Sociétés de Perceptions et de Répartition des Droits, hébergée par la Cour des Comptes, est chargée de contrôler tous les ans les comptes et la gestion de ces sociétés. Dans le
rapport annuel publié en avril dernier, aucun abus scandaleux, ni détournement comme le laisse entendre Canal + n’ont été constatés par les membres de cette Commission. Seulement 8 sociétés d’auteurs sont passées au crible sur les 26 existantes en France mais elle ne sont pas choisies au hasard : elles représentent plus de 90% des sommes versées aux auteurs. De plus ce rapport souligne que depuis 17 ans les choses se sont même très nettement améliorées.
Par ailleurs, si Canal + avait quelques doléances que ce soit quant à la gestion des comptes, depuis la refonte du Code de la Propriété Intellectuelle de 2016 toute personnes intéressée peut saisir cette Commission ce qui, selon nos informations, n’a pas été fait. Le prochain rapport sur lequel travaille actuellement cette Commission de contrôle portera sur une analyse des ratios financiers et des frais de gestion et concernera un plus grand nombre de sociétés de gestion : 13 seront contrôlées contre 8 dans le dernier rapport.
La société des Auteurs Compositeurs Dramatiques considère la ligne de défense de Canal + ni crédible, ni tenable. Elle rappelle dans une liste qui semble sans fin les nombreux accrochages entre le groupe de Vincent Bolloré et les créateurs ces derniers mois “les Guignols, le conflit avec les journalistes d’i-Télé, la perte de contrats sur le sport, la baisse du nombre d’abonnés, la condamnation judiciaire pour non-respect des accords d’intéressement des salariés, les conditions de suppression de certains programmes ou de départ de salariés, les sanctions pour propos discriminatoires et homophobes, le non-respect des contrats signés avec les producteurs…”
Maintien de toutes les actions engagées pour assurer le respect des contrats
Aucun créateur n’a intérêt à ce que la chaîne soit en difficulté. Ce qui est dénoncé est le mode de négociation employé. En effet, cesser de payer et attendre car les auteurs refusent d’accepter des baisses de l’ordre de 60 à 80% est une méthode qui fait bondir toutes les acteurs de ce dossier que nous avons contactés. Par ailleurs, le taux des droits versés par la chaîne aux créateurs et auteurs est basé sur le chiffre d’affaire. Par conséquent lorsque le chiffre d’affaire baisse les droits baissent dans la même proportion. Les auteurs ont donc tout intérêt à ce que la chaîne fonctionne bien et que les discussions se déroulent dans un cadre apaisé afin de trouver une issue rapide comme l’a appelé de ses voeux la ministre de la culture. Par la suite la SACD, société civile à but non lucratif détenue et cogérée par les auteurs et forte de ses 200 ans d’existence rappelle que les sociétés de gestion collective “sont les seules à garantir aux auteurs une défense collective et efficace” face à “des interlocuteurs surpuissants dans un rapport de force brutal et totalement déséquilibré”.
Canal + en tant que partenaire majeur de la création, comme l’a rappelé à juste titre Françoise Nyssen, ministre de la Culture, ne peut renier sa parole et ses engagements.
Les créateurs entre peur et colère n’ont pas perdu leur humour
Au-delà de ces polémiques, cette manière très discutable et inédite de mener des négociations de la part du premier financeur du cinéma en France se traduit malheureusement dans la réalité par des situations qui semblent ne pas préoccuper le groupe de Vincent Bolloré. Un jeune créateur impacté par le non-paiement des droits a déclaré sous couvert d’anonymat “j’ai du repousser un projet au mois de décembre”. D’autres affirment ne pas être en mesure de payer leur loyer ou se trouvent dans l’obligation d’annuler leurs vacances. Peu témoignent craignant de ne plus avoir de travail par la suite, la grille des programmes de Canal + n’étant, par ailleurs, pas encore sortie.
Comme le rapporte l’ADN, sur le net depuis quelques jours ont fleuri des détournements d’affiches de séries produites par Canal + et le moins que l’on puisse dire c’est que ce conflit n’a pas fait perdre leur créativité aux premiers concernés. Il s’agit d’une initiative de Romain Benard et Vincent Rebouah, team créa chez Grenade & Sparks :
Contacté à plusieurs reprises lors de la matinée et en début d’après-midi, le groupe canal plus ne nous a pas répondu.
Cet article a été repris sur le site Univers FreeBox