C’est un appel d’offre particulier puisqu’il s’agit du RIP (réseau d’initiative publique) le plus grand de France pour un coût estimé à 1,3 milliard d’euros. En ballotage défavorable face à NGE-Altitude Telecom, SFR se fend d’une lettre au président de la région sur fond de chantage et de menace de déploiement de son propre réseau en parallèle s’il ne décroche pas le marché.
L’appel d’offre avait été lancé le 22 décembre pour obtenir une délégation de service public et déployer l’internet très haut débit dans la région. Il s’agit de couvrir près de 930 000 prises sur 7 départements ce qui en fait le plus gros RIP de France. Sur les 10 départements qui constituent la région Grand Est seules trois villes sont très bien desservies (Nancy, Metz et Strasbourg). L’alsace le Bas-Rhin et le Haut-Rhin et la Moselle sont déjà engagés dans le plan THD. Orange a déjà investi sur 263 communes là où le Grand Est en compte 5000. Les “zones blanches” de la région sont donc nombreuses en dehors des trois villes précédemment citées, les débits sont très en deçà de 30 mégabits/seconde, parfois même en dessous de 3 mégabits/seconde.
Au premier tour Orange et Axione ont été éliminés, reste SFR Collectivités et NGE-Altitude Telecom. La dernière étape de cette procédure se jouera le 13 juillet en commission permanente. Seulement voilà, le ballotage est défavorable pour SFR et NGE devrait le remporter, ce qui n’est pas du tout du goût du groupe de Patrick Drahi. Les Echos qui se sont procurés la lettre envoyée par le groupe de Patrick Drahi par la voix de son président Michel Combes au président de la région Grand Est, rapportent des méthodes peu orthodoxes.
L’obtention de ce marché était très importante pour SFR, pour preuve Patrick Drahi s’était déplacé en personne pour présenter leur offre. Dans ce courrier SFR remet en cause la procédure de sélection en mettant en lumière le manque d’ “objectivité et de neutralité” sans donner plus de précision. Dans la suite de cette lettre, SFR menace même ouvertement, dans l’éventualité où ils n’obtiendraient pas le marché pour construire un réseau en bénéficiant de subventions publiques, de développer leur propre réseau en parallèle de celui financé grâce aux fonds publics. “Si notre offre n’était pas retenue, nous vous informons que le groupe SFR ne sera pas client de votre éventuel réseau, et entreprendra dans les prochains jours des déploiements FTTH (fibre jusqu’à l’abonné, NDLR) sur fonds propres pour couvrir l’intégralité du territoire concerné d’ici à la fin 2020.”
De plus, dans cette lettre le groupe se targue d’avoir, dans cette initiative particulièrement détonnante, le soutien d’Orange et du Crédit Mutuel. Orange s’est empressé de démentir tout soutien.
De son côté, Philippe Richert, président de la région Grand Est, ne s’est pas laissé faire. Dans la réponse à la lettre du groupe de Patrick Drahi que les Echos se sont également procurée il affirme ne pas envisager de donner suite à leur courrier en précisant que les propos tenus peuvent tomber sous le coup de la loi en application de l’article 433-3 du code pénal comme “intimidation à l’encontre de personnes dépositaires de l’autorité publique”.
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