Suite à l’ interview d’Univers Freebox de Patrick Vuitton, délégué général de l’AVICCA, concernant l’indisponibilité des opérateurs nationaux sur les Réseaux d’Initiatives Publiques, Univers Freebox poursuit son enquête au niveau local avec le porteur d’un Réseau d’Initiatives Publiques.
Patrick Chaize, directeur du Syndicat Intercommunal d’Energie et de l’e-communication de l’Ain et porteur du Réseau d’Initiative Publique Li@in, nous donne sa vision du déploiement des RIP et le regard que porte les opérateurs sur ce type d’initiative. Pour lui, les prétextes des opérateurs de ne pas contractualiser avec les RIP pour des raisons techniques ne sont "que des alibis" :
Pourquoi n’y a t-il pas une seule et même technologie déployée dans tous les RIP ?
L’ambition des réseaux des RIP est d’être ouverts et neutres. Non seulement, on est neutre par rapport aux opérateurs, mais on doit aussi être neutre sur la technologie utilisée. On a des fibres que l’on peut utiliser dans des technologies différentes et c’est tant mieux. Ça ouvre des perspectives d’utilisation et de rentabilité qui sont encore plus grandes que si on avait privilégié une technologie unique.
On trouve des toujours des solutions techniques. Ce ne sont que des alibis. Depuis 4 ans, Orange dit le réseau de l’Ain n’est pas interopérable, il est mal foutu, il ne marche pas, on a tout entendu. Ce sont des discours qui à mon sens sont des discours de circonstance.
Les opérateurs ne montrent pas une grande motivation. Pour pouvoir proposer leurs offres sur un réseau comme le nôtre, il y a quand même des petites choses à faire. Il faut faire en sorte que les sites puissent communiquer entre eux, il faut trouver les interlocuteurs, d’avoir des process, les mettre en route. Il y une relation client-fournisseur qui doit s’établir et c’est toujours quelque chose qui demande du temps et de l’investissement. Alors si vous prenez du temps pour quelques dizaines de milliers de lignes, ce n’est pas motivant par rapport à des marchés beaucoup plus conséquents, beaucoup plus concentrés sur les zones denses.
Le département de l’AIN c’est 1 % du territoire national, on a réalisé 40 % de couverture sur ce département et on considère que chaque opérateur peut espérer 30 % de part de marché, donc à l’échelle nationale c’est 30% des 40% des 1%, ça ne fait pas grand chose.
Quelle est l’attitude des opérateurs nationaux sur les RIP ?
Quand on a commencé à travailler il y a 4-5 ans sur ce projet. Les "grands opérateurs" nous disaient : "Ouh là là ! Mais nous, on n’ira jamais ! Vous ne nous intéressez pas ! De toute façon, vous n’aurez pas de fournisseurs " ! Ils nous disaient aussi "vous n’aurez pas de clients.
Est-ce qu’ils n’avaient pas une bonne vision de la chose ou cherchaient-ils à nous décourager dans nos projets ? Je n’en sais rien, en tout cas, on a trouvé des fournisseurs d’accès, certes alternatifs, mais qui nous fournissent un vrai service et on a 12 000 clients sur le réseau. On en a toujours un peu plus, le phénomène s’amplifie.
Comment faire venir ces FAI Nationaux sur le réseaux publics ?
Qu’est-ce qui a poussé Numéricable à venir nous voir ? C’est justement parce que Numéricable s’est dit : "j’ai mes réseaux câblés un certain nombre de clients potentiels, mais si je veux faire de la croissance, il faut que j’aille voir ce qui se passe en dehors de mes territoires et en dehors de mes territoires, c’est dans les RIP que cela va se passer.
On est dans un engrenage qui fait qu’il faut passer des étapes pour faire venir tous les FAI.
Une fois qu’on a un certain volume de clients, on va intéresser un certain nombre d’opérateurs plus importants. Dès lors que ces opérateurs importants seront présents, on va inciter les opérateurs encore plus importants à venir nous voir. Pourquoi Orange est venu nous voir tout d’un coup ? c’est tout simplement parce qu’il perd des clients et que Numericable est venu.
Pour moi, chez Orange, il y a une stratégie ancestrale qui consiste à dire "il faut retarder les RIP". Ils sont capables de faire des investissements-là où des RIP sont en train de se mettre en place, juste pour venir perturber le débat, pour retarder les choses. Ils sont convaincus qu’à terme, c’est vers la fibre qu’il faut aller, mais ils veulent préserver la rente du cuivre. Il y a des logiques de disponibilité en moyens humains et matériels, le chantier est tellement important…
Combien de temps ca prendrait à un FAI pour venir sur votre réseau public ?
Numericable, ça a pris un peu plus de temps, car Numericable n’avait jamais techniquement fait fonctionner sa technologie sur un réseau autre que le sien. Il y a eu 4-5 mois d’expertise technique entre juin et décembre 2012. Le contrat a pris 6 mois. La commercialisation a commencé en septembre dernier.
Avec Orange, la signature du protocole aura lieu d’ici quelques semaines, le reste ne dépend pas de nous. Concernant, l’arrivée effective d’Orange sur notre réseau, je pense qu’elle pourrait arriver début 2015, mais ce n’est que mon avis.
Quelles sont les conditions d’accès à un Réseau d’Initiative Publique pour un opérateur ?
Les offres sont homogènes et sont publiques. On a deux types d’offres : on a l’offre active et l’offre passive.
L’offre passive : on loue de l’infrastructure, on loue de la fibre, mais on ne s’occupe pas du transport et on ne met pas les matériels pour effectuer le transport. On n’éclaire pas le réseau, on ne l’active pas.
Orange ne veut que du passif, car il veut s’occuper lui-même du transport.
L’offre active : c’est intéressant pour les opérateurs de plus petite taille, qui eux ont tout intérêt à louer de l’offre active. Ils n’ont pas à investir sur les points de mutualisation ou les NRO. Il nous rachète du transport. C’est nous qui investissons sur les équipements actifs et il nous rachète des lignes. Un équivalent de la location de la location boucle locale sur l’ADSL.
Pourquoi ces réseaux publics sont si importants pour vous et le syndicat intercommunal que vous représentez ?
Plus on attend dans l’aménagement de nos territoires ruraux et plus on les fragilise. Il faut savoir ce qu’on veut. S’il y a besoin pour le développement économique, pour le développement démographique que les territoires ruraux soient équipés de fibre optique, il faut que les élus de territoires se prennent par la main et fassent ce qu’il faut.
Concernant le réseau porté par le RIP de l’Ain, Patrick Chaize pense qu’il atteindra l’objectif du très haut débit accessible à tous avant l’échéance de 2022 fixée par le gouvernement : "on sera peut-être le seul département, mais on le sera.
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