Dans un volet spécial rachat de SFR
, le Canard Enchaîné s’est penché sur les relations entre Bouygues, Vivendi et l’Etat dans l’affaire du rachat de SFR.
Digne d’un bon soap américain, on est pourtant loin de l’ambiance sitcom. Selon l’hebdomadaire, s’il y en a un qui s’est bien marré au matin du 14 mars, c’est Xavier Niel devant l’intervention du ministre
Arnaud Montebourg dénonçant sur Europe 1 le choix de Numéricable. Le fondateur de Free s’est même fendu d’un SMS au ministre pour le féliciter accompagné d’un "smiley".
Dans ce spectacle, même Free a joué un rôle. Ce dernier a soutenu, pour la première fois, l’opérateur Bouygues Télécom, son ennemi juré, dans son offre pour SFR. Certes des fréquences et 15 000 antennes étaient en jeu, mais Martin Bouygues et Xavier Niel se détestent.
Aucun analyste ne les voyait s’asseoir ensemble à une table de négociations les sachant capables de s’affubler de noms d’oiseaux ou de "Romanichels". Alors comment ont-ils pu passer 3 jours et 3 nuits de négociations et
finalement parvenir à un accord, qui en l’état actuel des négociations, ne sert pas à grand chose.
Il faut dire qu’Arnaud Montebourg l’a mauvaise après le tour que lui a joué les membres du conseil de surveillance de Vivendi. Toute la semaine, le ministre avait prêché pour Bouygues Télécom auprès des membres du conseil de surveillance :
Le mardi précédent Jean René-Fourtou, président du conseil d’administration de Vivendi est reçu à l’Elysée par Emmanuel Macron, secrétaire général adjoint à la présidence de la République. Le président lui-même y fait une apparition pour expliquer que Bouygues est certainement la meilleure solution. Ce dernier ne fera remonter à son Conseil de Surveillance "aucune préférence de l’Elysée."
Jean-René Fourtou doit revoir Emmanuel Macron deux jours plus tard, à la veille de l’annonce de Vivendi. Ce dernier annule au dernier moment malgré l’insistance du secrétaire général adjoint à l’Elysée.
Vincent Bolloré, actionnaire majoritaire de Vivendi, a lui aussi été reçu à l’Elysée, ce dernier arguant qu’il ne pouvait s’opposer à Jean René Fourtou et diviser le conseil d’administration.
Le 12 mars, certains membres du conseil, chargés d’examiner les deux offres de Bouygues et Numericable, sont reçus par Arnaud Montebourg. Parmi eux, Alexandre de Juniac, patron d’Air France promettra à Arnaud Montebourg, d’utiliser "tous les moyens pour empêcher le deal avec Numericable, et je vous dis ça en tant qu’actionnaire d’Air France." Il votera Numericable le lendemain comme tous les autres membres invités à donner leur voix.
Montebourg a mouillé sa chemise pour défendre Bouygues Télécom, lui qui était si critique sur le groupe Bouygues quatre ans plus tôt. Son annonce pour défendre une ultime fois Bouygues contre celle de Numericable au matin du 14 mars lui aura valu de s’attirer les foudres de Gerard Rameix, président de l’Autorité des Marchés Financiers qui craint que les annonces de Montebourg faussent le marché. Son organisme fera pourtant
une déclaration contraire quelques jours plus tard.
Joaquin Almunia, commissaire européen à la Concurrence n’aurait pas non plus vu d’un très bon œil
"les gesticulations de Montebourg" et le "
forcing élyséen" en faveur de Bouygues. Il lui enverrait une note bien coton le 13 mars, une juste continuité de leurs multiples
"prises de bec" comme le révèle
le Canard Enchaîné.
D’autant que quelques semaines plus tôt Arnaud Montebourg annonçait vouloir
"organiser les ententes" en dépit des mises en garde de Bruno Lasserre, président de l’Autorité de la Concurrence française.
Le scénario est épique, tragique, drôle et larmoyant en même temps. Tout un cinéma que les acteurs hors du coup doivent apprécier attendant avec impatience le prochain rebondissement. Certains doivent encore entrer en scène comme l’ARCEP, l’Autorité de la Concurrence. Au plus tard dans trois semaines, la période de négociation exclusive entre SFR et Numericable s’achèvera, peut-être aurons-nous droit, d’ici là, à un nouveau coup de théâtre.
Cet article a été repris sur le site Univers FreeBox