La France sur écoute : un nouveau “Big Brother” sur le feu…
Annoncé en octobre 2012 pour un lancement prévu en 2013 , la France va se doter d’une Plateforme Nationale aux Interceptions Judiciaires (PNIJ). L’objectif : une plateforme centralisée pour toutes les demandes d’écoute des conversations téléphonique, SMS, géolocalisation, et de surveillance internet à moindre coût.
Il s’agirait de simplifier la structuration des demandes d’écoutes de la police, des services douanes, de la gendarmerie et d’en alléger les coûts. D’après le rapport de la justice la PNIJ voulue par le gouvernement Sarkozy "permettra aux officiers de police judiciaire d’envoyer aux opérateurs de téléphonie mobile leurs réquisitions de façon dématérialisée et de valider également par voie dématérialisée après réceptions de la prestation le service fait. Les opérateurs n’auront plus besoin d’établir de mémoires de frais et adresseront mensuellement et de façon dématérialisée leur facture pour paiement. Les frais seront payés au plan central et non plus par les juridictions."
C’est près de 5 millions de réquisitions juditciaires et 40 000 écoutes téléphoniques autorisées par les juges dans le cadres de leurs enquêtes qui passeront par une seule et même plateforme.Jusque là, c’est 350 centres de gendarmerie de de police qui disposaient de ces équipements En théorie, cela simplifie de nombreuses procédures… Et réduit des coûts de procédures dont la tendance est fortement à la hausse.
Selon un enquête menée par nos confrères de l’Express, ce projet classé "confidentiel-défense" est loin d’être tout beau, tout rose… Le développement d’une telle plateforme est confié à une entreprise privée ( dont l’Etat est actionnaire) : le groupe Thalès. D’après Richard Dubant, responsable de la Délégation aux Interceptions Judiciaires "seule une grande entreprise comme Thalès possède les capcités techniques suffisante pour gérer des volumes de plus en plus importants"
Des problèmes de sécurité des données et de contrôle de leur utilisation.
Le 15 février dernier la présidente de la CNIL, Isabelle Falque-Pierrotin souhaite vérifier que ce nouveau système ne porte pas atteinte à la vie privée des citoyens. L’Association Française des Magistrats Instructeurs, également invité à faire le déplacement dans les locaux de Thalès (qui développe le système), ne répond pas à l’invitation. Ces derniers désapprouveraient le projet. En 2011 déjà le Directeur Général de la Police Nationale tirait la sonnette d’alarme contre une plateforme qui serait "une cible potentielle, du fait même de la concentration de données sensibles. Cette fragilité à été soulignée par l’ANSSI (Agence Nationale de la Sécurité des Systèmes d’Information."
La visite malgré la présence des représentants de la garde des Sceaux est strictement orientée et encadrée par le personnel de Thalès. Le projet a-t-il échappé des mains du gouvernement pour se loger dans le giron d’une entreprise privée aux intérêts particuliers ? En cas de conflit avec le groupe Thalès, le gouvernement ne pouvant récupérer la technologie employée ne pourrait pas changer d’hébergeur malgrès les promesses de Richard Dubant estimant pouvoir "récupérer l’ensemble des éléments à tout moment" et qu’il "est prévu de rapatrier un jour la PNIJ au sein de la justice."
Autre élément révélé par l’ Express, la copie conforme de la plateforme, sorte de serveur de secours, est éloignée de seulement 300 m présentant des risques en cas d’incendie, d’accident ou d’acte de malveillance. L’usage voudrait qu’il y ait entre 20 et 30 km entre les deux plateformes.
Plus encore ce service de surveillance et de stockage des données pose le problème du contrôle de leur utilisation. Les gouvernants pourraient-ils avoir accès à des enquêtes en cours ? Qui contrôlerait la bonne utilisation des données recueillies ? Ces questions restent sans réponse ou vaguement réfléchies. Pour Richard Dubant, c’est un comité de contrôle de six sages qui sera constitué pour apporter toutes garanties aux citoyens. Reste à les trouver, les élire ou les nommer…
Un coût de projet mal géré.
Les problèmes s’accumulent, la facture d’un tel projet explose : si ce nouveau système de gestion des outils de surveillance devait initialement coûter 17 millions d’euros, la facture s’élève aujourd’hui à plus de 43 millions, ajouté aux coûts de déploiement fibre optique des 5 fournisseurs d’accès à internet pour repondre à leurs obligations légales d’acheminer les communications soit une quinzaine de millions d’euros qu’ils pourraient se faire rembourser par l’Etat. La douloureuse monte à une soixantaine de millions d’euros pour un système inutilisable par les services de police.
D’après Francis Nébot, secrétaire national du syndicat Synergie Officiers "les réseaux internet de la police nationale n’offrent pas les débits suffisants pour se connecter à ce système dans de bonnes conditions et accéder aux écoutes à distance. On nous a offert une Ferrari sans avoir les routes pour la faire rouler." Patatras, de nouveaux coûts de déploiements vont alourdir la facture d’environ 40 à 50 millions d’euros. Heureusement que le gouvernement prévoit un plan de déploiement très haut débit sur l’ensemble du territoire en 2020… quand ce système doit être opérationnel cet été, au plus tard en septembre.
Pendant ce temps là l’ensemble des sous-traitants des services de police actuels, vont cesser leurs activités, les 6 entreprises privées qui jusque là fournissaient matériels et systèmes d’écoutes, n’ont pas été consultés. Attaquant l’Etat devant le tribunal administratif de Paris pour ne pas avoir été consulté dans cet appel d’offre, et bien que la justice leur ait donné raison, l’Etat n’a pas fait machine arrière. Ces 6 entreprises contractuelles de l’Etat, vont donc pouvoir réclamer des dédommagements et devront par contre reprendre les 10 000 ordinateurs jusqu’ici mis à disposition des services de Police laissant ces services sans dispositif fiable et performant…
Source : L’Express