La Commission européenne veut adapter les droits d’auteur à l’essor d’internet et des nouvelles technologies, et s’attaquer au piratage en ligne d’oeuvres culturelles "à la source", selon un plan d’action dont certains aspects inquiètent les industries concernées.
"Mon intention, s’agissant de l’éradication des sites de piratage, est d’agir plus directement à la source, c’est-à-dire vers et avec les fournisseurs d’accès" à internet, a indiqué mardi le commissaire au Marché intérieur, Michel Barnier, lors de la présentation de son plan d’actions pour les prochaines années en matière de propriété intellectuelle.
Pressé de clarifier, il a évoqué la fondation Brein aux Pays-Bas. Elle a demandé à la justice d’ordonner le retrait, sur plusieurs sites internet, de liens vers des fichiers protégés par des droits d’auteur.
Michel Barnier a aussi dit suivre la situation en Espagne, où une loi récente permet à un juge de demander aux fournisseurs d’accès de bloquer des sites contenant des contenus illégaux.
La Commission se garde bien de préciser quelle forme de "coopération" elle entend pour sa part demander aux fournisseurs d’accès : d’après une source européenne, "différentes options" sont à l’étude et il est "trop tôt" pour en privilégier une.
Ce flou inquiète l’industrie, qui refuse de se transformer en police de l’internet.
"Il n’est pas question de mettre en place des mesures visant à filtrer les contenus" qui transitent par les réseaux des fournisseurs d’accès, et "on ne peut pas leur demander de décider eux-mêmes si quelque chose est légal ou pas" et donc s’il doit être bloqué, a ainsi prévenu une source industrielle.
L’industrie des télécoms comme les associations de consommateurs font valoir depuis longtemps qu’il ne faut pas se focaliser sur le problème ressenti, à savoir les téléchargements illégaux, mais s’attaquer à ce qui pour eux est à la racine du problème, le manque d’offres légales.
La commissaire européenne en charge des nouvelles technologies, Neelie Kroes, avait évoqué cet aspect l’an dernier, en soulignant que le public "souvent ne peut pas accéder à ce que les artistes peuvent offrir, et cela laisse un vide qui est rempli par les contenus illégaux".
La Commission européenne elle-même reconnaît que s’il y a aujourd’hui quatre fois plus de téléchargements de musique aux Etats-Unis qu’en Europe, c’est parce que cette dernière pâtit d’un manque d’offres légales et du cloisonnement de ses marchés.
Si internet ne connaît pas de frontières, c’est loin d’être le cas des systèmes européens de droits d’auteur, qui fonctionnent sur une base nationale et constituent "une législation antique appliquée à des services qui figurent parmi les plus avancés", dénonçait récemment Monique Goyen, la directrice générale du Bureau européen des consommateurs (BEUC).
La Commission européenne essaye aussi de s’attaquer à cet aspect du problème, avec notamment des propositions d’ici la fin de l’année visant à mettre en place pour la musique en ligne un système de licences d’utilisation multi-territoriales, valables dans plusieurs pays.
Elle envisage aussi la création d’un code de copyright européen, qui pourrait de manière facultative se substituer aux systèmes nationaux.
Et elle annonce aussi une nouvelle tentative pour harmoniser les systèmes de redevances sur la copie privée. Ces taxes s’appliquent, avec des modalités très différentes selon les pays, à une série de supports et d’équipements électroniques, pour compenser les pertes de droits d’auteur représentées par les enregistrements "maison". Un chantier qui de l’avis d’une source européenne s’assimile à "un casse-tête", et dans lequel Bruxelles a déjà échoué à deux reprises.
Source : AFP
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