La tension monte d’un cran pour les chaînes de télévision concernant la future réforme audiovisuelle
Les chaînes de télévision estiment que l’allègement de la réglementation en matière de publicité envisagée par le Gouvernement ne leur rapportera pas grand chose.
Si les plateformes de SVOD comme Netflix ne sont pas vraiment emballées par le projet de loi audiovisuelle, les chaînes de télévision non plus. Notamment au niveau de la réglementation en matière de publicité, qui fait l’objet d’une nouvelle mouture de projets de décrets.
La publicité, le noeud du problème
Plusieurs chaînes privées ont pu faire valoir leurs arguments vendredi dernier lors d’un déjeuner avec Franck Riester, ministre de la Culture. Leur problème se pose concrètement ainsi : les allègements de réglementation proposés sont étouffés par trop de conditions à respecter. Un patron de chaîne relayé par les Echos ne cache pas sa déception : “Alors que la concurrence des plates-formes se fait de plus en plus intense, on avait quelques espoirs que les décrets prennent en compte nos demandes. Or, il n’y aucune amélioration, voire des reculs“.
L’un des points concerné est celui de la publicité segmentée. Cette publicité qui est personnalisée en fonction de l’individu et peut être géolocalisée, a été limitée à deux minutes par heure en moyenne. De plus, dans le cas d’une géolocalisation, il est interdit d’afficher l’adresse physique des commerces faisant leur pub. Sans compter un règlement européen sur les données personnelles à respecter.
La CNIL projette en effet de proposer que le consentement du téléspectateur soit requis pour qu’il soit exposé à de ce type de publicité, pour chaque chaîne. Antoine Ganne, délégué en charge des affaires publiques du Syndicat National de la Publicité Télévisée (SNPTV), s’inquiète “Qu’est-ce que cela va donner pour un abonné avec 200 chaînes !”. Et l’inquiétude est justifiée d’après un spécialiste dans une chaîne de télévision : “Si la recommandation de la CNIL n’est pas modifiée, c’est une grande partie des revenus potentiels de la publicité segmentée qui s’envole en fumée […] D’autant que les GAFA, eux, n’ont pas autant de contraintes”.
De même, si le projet de loi veut permettre la diffusion de publicité sur le cinéma, ce qui est aujourd’hui interdit, la solution proposée ne convient pas vraiment aux chaînes. En effet, pour diffuser ce type de publicités, pas possible de se concentrer sur les gros films blockbusters : 50% de films européens à petit budget (jusqu’à 5 millions d’euros) doivent être promus également. Et ces films ne sont pas les plus intéressés par des publicités à la télévision, et n’ont pas forcément de gros moyens à mettre dans la diffusion d’une bande-annonce.
En soi, les professionnels estiment ne tirer que quelques millions de revenus supplémentaires de ces mesures. Et le SNPTV indique que les régies pourraient très bien se contenter de ne prendre que des gros films, payant plus cher, et se concentrer sur les très petites productions afin de remplir le quota, sans considérer les oeuvres avec un budget moyen.
Le projet sera examiné en avril prochain par les députés et, le Gouvernement mis à part, très peu d’acteurs concernés semble être convaincus par le projet. Netflix estime que la note est trop salée et les chaînes de télévisions estiment que les mesures pouvant les avantager sont entravées d’obligations pesantes. En fin d’année dernière, M6, Canal+, TF1 et Altice s’étaient même exprimés ensemble pour critique le projet. Affaire à suivre.