Raccordements à la fibre : un projet de loi offensif déposé pour changer radicalement les pratiques des opérateurs
Excédé par les problèmes de raccordements fibre et les pannes non résolues, le sénateur et président de l’Avicca, Patrick Chaize, passe à l’attaque en déposant un projet de loi pour garantir la qualité des réseaux publics. Y figurent de nombreuses sanctions pour les opérateurs. Une enquête parlementaire pourrait être ouverte le cas échéant.
La situation est alarmante, “jusqu’à 75% des branchements (boîtier client final) de certains réseaux ne sont pas conformes, entre 80 et 100% des points de raccordement sont plus ou moins gravement endommagés”, afin d’obtenir un changement rapide et concret des conditions de mise en œuvre des raccordements FTTH par les opérateurs, le président de l’Avicca et sénateur de l’Ain Patrick Chaize a annoncé hier lors d’une conférence de presse déposer une proposition de loi à visée coercitive.
L’association fédérant 220 collectivités qui agissent pour l’aménagement et la transition numérique du territoire a ainsi dévoilé un plan de bataille inédit dans le but de garantir “une bonne fois pour toutes” la qualité des réseaux fibre optique construits par la puissance publique et par ce biais, défendre les intérêts des collectivités et des usagers”.
« Avec l’Etat, le régulateur et les collectivités, nous faisons le triste constat que la situation nationale des réseaux publics fibre optique ne s’améliore pas, malgré nos alertes et demandes réitérées. Pire encore, elle s’est dégradée dans certains territoires qui, régulièrement, appellent à l’aide l’Avicca, il est intolérable de constater que les investissements réalisés avec de l’argent public se dégradent au fil du temps. C’est pourquoi j’ai décidé, de passer à l’offensive afin de mettre les opérateurs face à leurs responsabilités », a martelé le sénateur.
La proposition de loi sera déposée dans les prochains jours pour obliger la filière à changer radicalement ses pratiques. “Celle-ci vise, en effet, à contraindre les opérateurs et leurs sous-traitants à réaliser des raccordements de qualité et à entretenir les équipements nécessaires (armoires techniques, câbles, poteaux…) pour que les abonnés ne subissent plus de pannes ni de connexions intempestives. En cas de manquement de leurs obligations de qualité, des sanctions seront prises à leur encontre”, indique aujourd’hui l’Avicca.
Dans le détail, la volonté est notamment de donner des sanctions concernant le paiement des travaux de raccordement. Le projet de loi prévoit la non perception pour les opérateurs réalisant le raccordement des foyers de fonds publics en cas de défauts, malfaçons ou dégradations constatés. Ces derniers seront également dans l’obligation de fournir obligatoirement les plannings d’intervention pour le suivi des raccordements et le respect des délais.
Figure aussi un engagement financier dans la durée de la responsabilité des opérateurs qui sous-traitent les travaux de raccordement. En somme, ces derniers devront rembourser les dépenses publiques que les collectivités territoriales auront dû engager pour pallier les défaillances.
Des sanctions sont également prévues contre “les opérateurs faisant appel à des sous-traitants qui emploient du personnel sous-qualifié, mal rémunéré, non déclaré ou ne respectant pas les règles de sécurité. Il est constaté que la qualité des raccordements dépend de la formation-qualification du personnel mais également de sa rémunération et du
temps imparti pour réaliser les raccordements. De plus les règles élémentaires de sécurité ne sont pas toujours respectées mettant en danger la vie du personnel.”
Une interdiction du recours au mode STOC (sous-traitance) est aussi prévue dans certaines situations par exemple en fonction du taux de pénétration ou pour le changement d’abonnés ou sur les zones de la fermeture du réseau cuivre par Orange, où des raccordements FttH seront à réaliser d’office.
Vers l’ouverture d’une enquête parlementaire
Dans son plan d’attaque, l’Avicca prévoit si nécessaire de demander d’ouvrir une enquête parlementaire pour se saisir de la question en se penchant sur “les procédures mises en œuvre par les opérateurs, les circuits financiers avec un focus sur l’emploi de l’argent public pour la réalisation des raccordements à la fibre qui portent atteinte à un réseau lui-même construit en grande partie avec des fonds publics, ainsi que sur le financement de la remise en état de ce patrimoine public des réseaux fibre.”
Fin mars 2022, on comptait 30,8 millions de Français éligibles à la fibre optique dont la moitié y est, d’ores et déjà, raccordée. La fibre optique est aujourd’hui un vrai succès national, y compris au regard des européens puisque l’Hexagone occupe depuis décembre 2020 la 1ère marche du podium des pays les mieux fibrés. « Mais derrière ces lauriers se cachent des consommateurs mécontents. On ne compte plus ceux qui paient un abonnement à la fibre mais sont en panne de connexion depuis des jours voire des semaines, dans la France entière. Ni ceux qui subissent des déconnexions intempestives régulières. Aucun territoire n’est épargné et les signalements se multiplient jour après jour. Les raisons sont connues, les réseaux sont parfois sous-dimensionnés, des équipements sont vandalisés, des armoires techniques dégradées, ouvertes aux quatrevents, des câbles sectionnés ou emmêlés, débranchés…», s’est exprimé Ariel Turpin, délégué général de l’Avicca.