Canal+ ne paie plus les droits d’auteur : les cinéastes sont “profondément choqués ” et cherchent le soutien du ministère
Pour Canal+ ça sera moins de droit d’auteur. Les auteurs ne sont pas d’accords ? qu’à cela ne tienne : cessons de payer, ils finiront par s’assoir autour de la table des négociations. C’est vraisemblablement la logique poursuivie par le groupe de Vincent Bolloré. Au ministère de la Culture, on nous affirme suivre l’affaire avec intérêt en précisant que lorsqu’il existe un contrat on ne peut pas s’exonérer des obligations qui en découlent.
Le groupe en situation financière difficile compte réussir à renégocier à la baisse les droits d’auteurs versés. Pour ce faire, Michel Sibony, responsable des achats du groupe et dont la mission est de réduire les coûts de 20%, a tout simplement cesser de payer certains droits depuis la fin 2016.
Dur de se faire entendre pour les auteurs
La polémique a été lancée en plein festival de Cannes par voie de presse. La première à monter au créneau était la SACD (Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques) qui a assuré en juin dernier qu’ "en dépit du non-règlement d’une partie des factures, la SACD assurera jusqu’au 15 septembre minimum le règlement des droits et avances aux auteurs des œuvres diffusées sur les différentes chaînes du groupe".
Lundi 3 juillet deux nouvelles voix se sont faites entendre. Le syndicat des journalistes SNJ-CGT a publié un communiqué de presse condamnant la volonté de "Vincent Bolloré [qui] entend renégocier à la baisse tous les accords, après avoir pris en otage les auteurs privés de leur juste rémunération : il veut obtenir un rabais pouvant aller jusqu’à 80 % des droits." Le syndicat conclu en condamnant "leurs attitudes et se félicite que certaines sociétés de gestion collective des droits d’auteurs comme la SCAM porte le conflit devant la justice."
L’Association des auteurs, réalisateurs, producteurs (ARP) dont le président d’honneur n’est autre que Claude Lelouch, y est allée de son communiqué de presse également. Ce sont des grands noms du cinéma tel que Michel Hazanavicius, Eric Tolédano, Costa Gavras et bien d’autres qui se disent "profondément choqués" et assurent qu’ils soutiendront "sans faillir les sociétés d’auteurs engagées dans cette négociation vitale."
Une ministre discrète qui suit le dossier avec attention
L’actuelle ministre de la Culture, Françoise Nyssen, reste plutôt discrète. Rompue aux discussions sur les droits d’auteurs puisque présidente du directoire de la maison d’édition Actes Sud, (elle a publié des auteurs comme l’Algérien Kamel Daoud, le Britannique Salman Rushdie, la Turque Asli Erdogan ou l’Américain Paul Auster). Elle sait l’importance de protéger ces droits et tous les voeux qui lui ont été présentés lors de son installation portaient l’espoir de voir en sa nomination un signal fort à l’adresse des auteurs et des créateurs. Dans leur communiqué de presse l’ARP s’étonne de ce silence du ministère sur ce dossier et en appelle au "soutien des pouvoirs publics ; ils ne peuvent rester indifférents face à des pratiques d’une telle violence." Et le syndicat des journalistes, visiblement excédé de poser cette question en guise de conclusion "La nouveauté, rue de Valois, est-ce la fin de la défense des droits d’auteurs des créateurs ?"
Lorsqu’il existe un contrat on ne peut pas s’exonérer des obligations qui en découlent
Édit.17h40 : Une source proche de la ministre nous a confirmé qu’elle s’était exprimée en marge d’un déplacement à La Rochelle interrogée par nos confrères de France Bleu et de l’AFP sur le sujet. Elle a affirmé que la juste rémunération des auteurs et des créateurs était au coeur des priorités de ce gouvernement. En précisant que lorsqu’il existe un contrat on ne peut pas s’exonérer des obligations qui en découlent. Par ailleurs, nous avons eu confirmation que le déroulement de ce dossier était suivi avec attention au ministère et qu’il pourrait faire l’objet d’une ultérieure prise de position.