Maxime Lombardini devant le Sénat : En 3G, Free couvre « 65% de la population (…) combien de temps il a fallu pour lancer la 3G du temps de l’oligopole ! »
Le 21 mai dernier, Maxime Lombardini, Directeur Général du groupe Iliad, était entendu par la commission des affaires économiques du Sénat dans le cadre d’un cycle d’audition sur les perspectives économiques des opérateurs télécoms. Au cours de cette audition, le DG du groupe Iliad a évoqué de nombreux sujets, dont la couverture mobile, les déploiements FTTH, la position du groupe Iliad dans les RIP, la bande des 700Mhz, etc.
Pour Maxime Lombardini, l’intégration entre le fixe et le mobile, débutée en 2008, s’est confirmée et continue de générer des rapprochements entre opérateurs. « Ce rapprochement obéit à l’impératif technique d’assurer, via des réseaux communs, les communications, qu’elles soient fixes ou mobiles ».
Free Mobile : « Le réseau mobile couvre pour le moment 65 % de la population »
Quelle est la position de Free sur le marché des télécoms ? Les grandes lignes n’ont pas évolué ces quinze dernières années. Il rappelle ainsi qu’il propose aux consommateurs des offres simples, telles que dans le mobile avec seulement deux forfaits mensuels (2 euros ou 19.99 euros). Le DG du groupe Iliad précise que Free couvre 65% de la population en 3G.
« Deux ans après notre arrivée dans ce secteur, nous disposons au total de près de neuf millions d’abonnés. Notre groupe, qui a dégagé un chiffre d’affaires proche de 4 milliards d’euros, est celui qui investit le plus en valeur relative. Jusqu’à la moitié du chiffre d’affaires a pu être consacrée à l’investissement ces dernières années. Le taux d’investissement est aujourd’hui de l’ordre de 25 %, bien au-dessus de la moyenne du secteur ». Les investissement se dirigent dans le déploiement des réseaux, et notamment dans « le réseau mobile qui couvre pour le moment 65 % de la population et qui en desservira 75 % en janvier 2015 ».
« Rappelez-vous combien de temps il a fallu pour lancer la 3G du temps de l’oligopole…»
Le DG d’Iliad s’inscrit en faux contre ceux, comme récemment encore le rapport de l’Institut de l’audiovisuel et des télécommunications en Europe (IDATE), qui dressent un paysage noir du secteur des télécoms en France. « Le démarrage très rapide de la 4G est sans doute dû à notre présence comme quatrième opérateur », rappelle Maxime Lombardini.
Et de préciser « Rappelez-vous combien de temps il a fallu pour lancer la 3G du temps de l’oligopole… Les opérateurs historiques, contrairement à ce qu’ils indiquent souvent, dégagent les cash-flow nécessaires au financement de leurs investissements : SFR parvient même à atteindre un milliard d’euros de bénéfices et Bouygues Telecom, qui doit désormais investir massivement dans le fixe, dispose d’une trésorerie couvrant l’ensemble de ses investissements ».
FTTH : « L’objectif de couvrir l’essentiel du territoire d’ici à 2022 parait irréaliste »
Concernant le FTTH, l’approche française en matière de réseau de fibre optique jusqu’au domicile (FTTH) nous paraît singulière : « l’objectif ambitieux de couvrir l’essentiel du territoire d’ici à 2022, paraît irréaliste. Iliad recommande de d’adopter "un timing plus raisonnable et de jouer de la complémentarité des technologies. Il faut bien sûr déployer le FTTH, mais aussi moderniser le réseau cuivre existant en complémentarité avec celui de la fibre optique ».
S’agissant de la consolidation, le rapprochement en cours entre Numericable et SFR devrait avoir « un impact sur le plan du très haut débit et entraîner la concentration des efforts d’investissement de tous les acteurs sur la zone dense là où le câble est déjà déployé ». Un constat dénoncé par le Directeur de la Mission Très Haut Débit, Antoine Darodes. Quels seront les investissements des opérateurs en dehors des zones câblées ?
Jean-Yves Charlier, PDG de SFR, expliquait devant cette même commission, « que le choix de la fibre en technologie FTTH s’avère trop onéreux, avec une rentabilité à 20 ou 25 ans seulement : le retour sur investissement est inférieur au coût du capital pour l’entreprise, ce qui n’est pas tenable (…) Le sens de notre stratégie que de couvrir 12 millions de foyers en 2017 et 15 millions en 2020, ce que SFR ne pourrait pas faire seul. (…) Le rapprochement de SFR et Numericable renforce notre capacité à couvrir le territoire, ainsi que notre capacité d’investissement en fixe et en mobile. (…) Notre engagement de mutualiser la fibre avec Orange sera tenu ; nous avons ainsi couvert trente villes moyennes l’an passé, nous aurons couvert cent villes cette année ».
Maxime Lombardini poursuit son audition devant la commission des affaires économiques du Sénat en expliquant que « la consolidation n’est pas une nécessité absolue. Sur le cuivre, nous sommes tous sur le même réseau, sur le FTTH, la mutualisation autour d’un réseau unique est la règle dès que nous sortons de la zone très dense et en matière de réseaux mobiles, la mutualisation de réseau convenue entre SFR et Bouygues Telecom va aboutir à un unique réseau sur 90 % du territoire ».
La bande des 700Mhz : calendrier, attribution et modalité de paiement
Maxime Lombardini revient notamment sur la bande des 700 Mhz en expliquant qu’il suffit que l’un des opérateurs soit intéressé « pour que s’amorce une véritable concurrence. Le calendrier de cette opération est important, en ce qui concerne son attribution mais aussi ses modalités de paiement. Il faut prévoir un paiement étalé dans le temps, sur cinq ans au moins ».
RIP : « si ces infrastructures locales ou régionales sont standardisées en termes techniques, contractuels et économiques, alors un groupe comme le nôtre sera vraisemblablement client ».
Concernant les RIP (Réseau d’Initiative Publique), Maxime Lombardini estime qu’il n’est pas aisé pour un fournisseur d’accès à internet national « de proposer ses services sur une multitude de réseaux hétérogènes. Par contre, si ces infrastructures locales ou régionales sont standardisées en termes techniques, contractuels et économiques, alors un groupe comme le nôtre sera vraisemblablement client. Pourquoi investir chacun dans des réseaux, plutôt que tous distribuer l’offre d’un opérateur unique ? Tout simplement parce que c’est le seul moyen d’innover et de se différencier, au bénéfice du consommateur. Le caractère hexagonal des concentrations répond à l’objectif de renouer avec une rentabilité plus élevée dans un marché concurrentiel ».
Arrêter le cuivre est « une absurdité tant au niveau industriel qu’économique »
« S’il existe un rentier du cuivre, celui-ci ne peut être que l’opérateur historique ! ». Mais, pour Maxime Lombardini, arrêter le cuivre est « une absurdité tant au niveau industriel qu’économique ! ». Pour le DG d’Iliad, le cuivre a encore de beaux jours devant lui. Ce dernier délivre « un excellent service de manière efficace (…) Privilégier la mixité des technologies, cuivre et fibre, à court et moyen termes est plus sensé, tout en se ménageant la perspective, plus lointaine, d’un réseau FTTH à l’échelle nationale ».
Lors du colloque de l’AVICCA le 13 mai dernier, Maxime Lombardini, a rappelé que Free couvre une bonne partie de la zone très dense en fibre FTTH, « donc de la vraie fibre », et co-investit « de manière quasi systématique sur la zone moins dense des déploiements d’Orange pour le moment, et très probablement de SFR sur la zone AMII quand ses déploiements vont prendre de l’ampleur. C’est-à-dire que sur la zone moins dense, nous avons signé des engagements pour pratiquement 5 millions de lignes en cours de déploiement par Orange. Ce sont des engagements en centaines de millions d’euros et notre implication dans la fibre est plus vive que jamais ».
Il souligne néanmoins que la réalité, 7 ans après le lancement des projets chez les uns et les autres, c’est que le déploiement du FTTH « prend tout de même plus de temps que prévu. Si l’on reprend les prévisions de l’époque, nous en sommes tous assez loin finalement ».
Des propositions de loi inquiétantes pour Iliad
Enfin, Maxime Lombardini s’inquiète d’une proposition de loi présentée par Mme la députée Laurence Abeille et « relative à la sobriété, la transparence et la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques ».
Alors que le déploiement des antennes s’inscrit dans des délais longs – jusqu’à 600 jours -, « ce texte entraîne de nombreuses incertitudes en conférant de fait aux maires une capacité de blocage des déploiements, la phase de concertation n’étant pas limitée dans le temps. S’agit-il d’arrêter le déploiement des réseaux ou de favoriser l’investissement et d’assurer les conditions de la concurrence grâce au déploiement de nouvelles infrastructures dans le secteur des télécommunications ? », s’interroge le DG du groupe Iliad.
Rappelons que l’ARCEP a récemment révélé que « Free Mobile a fait par à l’Autorité de difficultés dans le déploiement de son réseau mobile ». Parmi ces difficultés figurent les refus de certaines collectivités territoriales. La proposition de loi Abeille semble donc « incohérente avec les déclarations réitérées de certains qui critiquent la lenteur du déploiement des réseaux mobiles : les dispositions qu’elle contient en l’état vont en effet entraîner de nouvelles entraves, au niveau local, pour les opérateurs. En matière de concertation ». Maxime Lombardini précise que Free a déjà signé « près de 130 chartes avec les municipalités ».
CSA : un rôle de régulation dans le domaine des télécommunications ? « Une démarche totalement archaïque».
Autre texte qui préoccupe Iliad : le projet de loi création numérique. Celui-ci laisse entrevoir « un rôle de régulation plus important, dans le domaine des télécommunications, qui pourrait être assuré par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). Une telle démarche nous semble totalement archaïque, à l’heure où Netflix s’apprête à conquérir la France depuis le Luxembourg. Il nous paraît important que les réseaux de télécommunications soient régulés par des instances qui connaissent cette industrie, comme l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) ou l’Autorité de la concurrence. En outre, les opérateurs de réseau doivent garder la maîtrise de leurs réseaux et des relations commerciales avec les éditeurs de services, qui sont d’ailleurs de bonne qualité ».
– Pour découvrir l’audition de Stéphane Richard (PDG du Groupe Orange) devant le Sénat.