L’Avicca estime qu’il faudra une quarantaine d’année pour déployer le très haut débit
L’Association des Villes et Collectivités pour les Communications électroniques et l’Audiovisuel regrette la lenteur du démarrage du Très haut débit et estime que les centaines de millions d’euros annoncés par les opérateurs privés ne sont visiblement pas au rendez-vous en termes de construction de prises. Du point de vue réglementaire, la lenteur administrative n’aide en rien le déploiement du très haut débit. Selon l’Avicca, c’est en grande partie de la faute des acteurs qui ne veulent pas avancer. C’est sans doute la voie choisie pour fibrer la France, celle d’une concurrence par les infrastructures, portée par le secteur privé, qui montre ses limites en termes de dynamisme, sans parler de la fracture numérique qu’elle aggrave.
D’autant que l’instauration de tarifs sociaux pour internet et le "triple play" est aussi en retard et la hausse de la TVA ne milite en rien contre la fracture numérique.
Les derniers chiffres indiquent que 227 000 logements supplémentaires ont été "fibrés". L’ARCEP espère que cette augmentation annuelle va passer à 800 000 en 2011. Il faudrait une quarantaine d’années à ce nouveau rythme, s’il est atteint, pour fibrer la France, bien loin de l’objectif de 15 ans fixé par le Président de la République. Déjà les 4 millions de prises du programme France Numérique 2012 ne seront pas au rendez-vous.
Les règles pour la mutualisation dans les immeubles de moins de douze logements de la zone très dense, en débat depuis un an, ne sont pas fixées. Cela concerne parfois la moitié de la population dans les 148 communes concernées. Quant aux 36.000 autres, en zone dite moins dense, la question clef de la tarification pour le réseau mutualisé est encore en discussion. Or, ainsi que l’a fait remarquer la Commission européenne, il faut sécuriser les investissements. Et aujourd’hui ce sont des procédures contentieuses, en règlements de différends, qui ont cours. Les projets publics ont beaucoup de mal à se lancer dans ces conditions, car ils sont encore plus sensibles aux recours juridiques.
Les opérateurs n’avancent pas !
L’Avicca estime que la lenteur du déploiement de la fibre optique est principalement de la responsabilité des opérateurs : « On aurait tort de cibler l’ARCEP sur ces retards. Ce sont les opérateurs eux-mêmes qui n’avancent pas, ce qui fragilise les bases de la régulation. Trois expérimentations ont été annoncées il y a un an sur la zone moins dense, par France Télécom, SFR et Free. On parlait même d’une "alliance". Résultat, aucune proposition de co-investissement pour mutualiser le réseau n’a été publiée, aucun mètre de fibre optique n’y a été posé ».
Les collectivités attendent de pied ferme le résultat de l’appel à manifestation d’intentions d’investissements pour les zones rentables, qui doit se clore le 31 janvier. Il est censé permettre de cerner les projets des opérateurs, puis de contrôler l’adéquation des actes aux intentions exprimées. Un éventuel report de ce délai serait un signe de plus de l’échec de la voie choisie. Une autre voie reste possible, celle volontariste de l’Australie, qui s’est lancée dans un ambitieux programme en 2010 dans le cadre d’une séparation structurelle des infrastructures et des opérateurs de services.
Les collectivités regrettent également qu’une décision n’ait pas été prise en 2010 pour l’alimentation du Fonds d’Aménagement Numérique du Territoire, créé en 2009. Sans un financement pérenne, et qui prenne en compte les besoins de "montée en débit", le territoire français court le risque d’une "métropolisation" : des zones denses bénéficiant des meilleurs services, et l’abandon des zones peu denses et rurales. Sans attendre, il faut modifier les règles d’emploi du volet B du programme national Très haut débit dès maintenant, car elles plafonnent les aides de l’Etat à un tiers des subventions publiques, ce qui est insuffisant en zone rurale.
Mais tout n’a pas été noir en 2010. Des initiatives locales ont été prises malgré les nombreuses difficultés. Faute de toutes les citer ici, signalons les 31.500 prises en fibre optique déjà construites en zone rurale dans l’Ain. Un réseau d’initiative publique s’avère plus efficace que de forcer les opérateurs privés à s’entendre pour investir massivement.